LA PHARMACIE AQUATIQUE
Écrits extravagants à l'attention des esthètes véritables
Par Roi of the Suisse
Les trilobites
Quel grand malheur
Démolisseur
Que cette perte
En si jeune âge
Des trilobites
Resplendissants
Et facétieux !
Terrassés donc
Comme une fleur
Que la chaleur
Aurait ouverte
Avant l’orage
Se voit détruite
Dans un torrent
Très audacieux
Mais très quelconque.
Méditation
Des galets beiges,
Des galets bleus,
Aujourd’hui vais-je
Retourner ceux
Chantant en transe,
Chantant en paix,
L’hymne au silence,
L’hymne muet ?
Haïku hivernal
足あとの
雪にあらわる
犬のふん
(ashi ato no
yuki ni arawaru
inu no fun')
Un pas
qui, dans la neige, révèle
une crotte de chien.
Phrase
Il ne leur fallut que quatre jours pour atteindre la côte.
Trains
Dans les plaines de Sibérie, vit un troupeau de scolopendres mécaniques.
Ces géants fuligineux dévorent le sol en rampant à toute allure.
Le vacarme sourd de leurs mille pattes articulées fait trembler l'horizon.
Dans leur ventre d'acier brûle l'enfer.
Ils vomissent, hurlants, des gerbes d'étincelles et de la poussière de fonte.
Leur fureur éternelle ne s'arrête que lorsqu'ils s'endorment, à l'aube.
Les haricomycètes
Les haricomycètes
Racontent des merveilles
À celui qui se prête
À tendre son oreille.
Sont-ce des plantes ou des lutins ?
Honnêtement, je n'en sais rien.
Sentence latine
Ex aenigmatibus, delectatio magna.
Bashô
Voilà Bashô,
L’arbre à bananes,
Avec sa canne
Et son chapeau !
Un bulbe
Il est rond,
amical,
violet,
marron.
Quand on le regarde,
qu’est-ce qu’on s’amuse !
Si on plantait dans la terre
la tête de Louis XVI,
effarée, stupéfaite,
peut-être qu’il repousserait ?
Haïku hivernal
小窓から
粉雪入る
朝ねぼう
(komado kara
konayuki hairu
asa nebô)
Par la lucarne
entre un flocon de neige.
grasse matinée ~
Les gnous de bois
Élevés pour
Leur ébène,
Les gnous, ça court
Dans la plaine.
Le roi Philippe
Sculptera
Sa propre pipe
Dans leur bois.
Une idée brillante
Nous avons posé les couverts sur la table, et le temps d'aller chercher les assiettes, ils avaient disparu.
Nous avons posé les assiettes sur la table, et le temps d'aller chercher une bouteille, elles avaient disparu.
Nous avons posé la bouteille sur la table, et le temps d'aller chercher le pain, il ne restait plus que le haut de la bouteille.
En fait, la nappe de bulgomme était très molle et tout s'enfonçait dedans.
C'est à ce moment-là que nous eûmes l'idée d'y cacher le cadavre de monsieur Rubinski.
Une époque lointaine
Tout l’or d’Al Kandar
On parle en Europe
De l’or d’Al Kandar :
Toutes les échoppes
Remuent les bavards.
La couronne, envieuse,
M’envoie voyager
Sous les nébuleuses
De votre contrée...
Sultan ! Contez-moi
Le cosmique avoir
Qu’attribuent nos rois
À votre pouvoir !
Pourquoi demeurer
Sous une tenture
Puisqu’un palais sied
À votre envergure ?
Vous vous contentez
De quelques coussins ;
Vous servez le thé
De vos propres mains !
Je vous vois venir :
« Regardez ces dunes »,
Allez-vous me dire,
« Elles sont ma fortune.
Et c’est au zénith
Que, dans ce décor,
Le sable crépite :
Des montagnes d’or ! »
Le noble vieillard
S’écrie : « Abruti !
‘Suis pas Al Kandar !
Et sortez d’ici ! »
Le mauvais disciple
Vous venez, suppliant,
Demander mes épurges.
Vous n'étiez pas présent
À la nuit de Walburge !
Laissez-moi vous dire que
Vous mangez trop d'oronges :
Votre front verruqueux
Dévoile vos mensonges ;
Par vos biais booléens
Vous donnez à vomir
À ceux qui sont à jeun
Jusqu'aux prés de Palmyre !
Vous cachez sous un drap
Tous vos anthraconistres,
Du puant précariat
Vous êtes le ministre.
Puisque vos mimosas
Sont moussus par la peste,
Je ne vous dirai pas
Ce qu'a vu le vent d'Ouest.
Automnes
Les frênes, allègres de leur mort prochaine, jettent à la boue des feuilles de feu et d'or. Ils renaîtront adolescents. (cent fois encore)
Ce soir, mes amis, nous mangerons le magnifique daim volant. Avec une sauce à la bruyère.
Mes amis...
Renaîtrons-nous aussi ?
La mare gelée
Il neige.
La mare est gelée.
Les carpes sont figées dans la glace
dans des positions improbables.
C'est un spectacle impeccable
pour celui qui est allongé au fond.
Madame Walmond
Aux pierres
Des ruines,
D’infâmes
Buissons
Lancèrent
Racine.
En flamme
Mettons
Ce vert
Vermine,
Ce drame
Marron !
Qu’on blâme
Ces troncs !
Qu’on crame
Ces scions !
C’est clair,
Ces vignes
Réclament
Tison :
Le lierre
Chagrine
Madame
Walmond.
Tchou-tchou !
Que j’ai mal dormi
En première classe...
Les rouges tapis
Étouffent la place ;
(Ils sentent les années mil neuf cents)
Les fauteuils de cuir
Agrandis pour l’aise
Ont l’air de me dire
Que je suis obèse
Tels ces patrons ronds
Aux dames parées
De plusieurs mentons
Comme des colliers.
(Des crapauds à plumes autour d’une mare de thé)
Un fils de rentier
Crie des prosaïsmes
Dans un combiné
Plein de modernisme
Jusqu’à ce qu’un vieux
Lui fasse requête
D’un « chhhht » coléreux
Sans lever la tête.
(Il travaille dans le train depuis maintenant trois heures)
Vient un Africain.
De New-York il plie
Le grand quotidien.
Lettré swahili ?
Il a un manteau
Taillé dans un zèbre
Et un air idiot.
Un rappeur célèbre ?
(Il met de la cocaïne ou du sucre dans son café)
Un enfant bébête
Glousse, chante et rit.
Sa mère rouspète,
Voilà qu'il gémit.
Un noble bannit
Deux jeunes qui laissent,
Debout devant lui,
Sous son nez leurs fesses.
(« Les gens sont tendus ce soir », marmonne l'Africain)
Le conducteur dit :
« Creupreudreutreupreutre
- Gare de Massy -
Vreutreufreucreutreutre. »
La jeune fille aux cèpes
Il y a un chemin courant vers la forêt ;
Honteuse y disparaît la brume du matin.
Indifférente aux guêpes, elle attend, adossée,
Balançant un panier emporté pour les cèpes.
Dans l'attente de quoi ? Ira-t-elle en cueillir ?
Car je sais qu'elle (ouï-dire) hait ces champignons-là.
Le flan aux épices
500 grammes de farine
6 oeufs
1 sachet de sucre vanillé
1 litre de lait
1 sachet de levure chimique
2 cuillères à soupe d'huile
Ah le petit enfoiré
Attrapez le
Ragoustapatte,
Qui court - l'affreux ! -
Sur ses deux pattes !
Dans son terrier
Il va s'enfuir
Et emporter
Mes souvenirs !
Haïku libre
白川や
ある木の匂い
まだ知らず
(shirakawa ya
aru ki no nioi
mada shirazu)
Sur les bords de la Shirakawa,
il y a un arbre dont l'odeur
m'est encore inconnue.
Haïku automnal
橋の下
時雨上がりを
待つ五人
(hashi no shita
shigure agari o
matsu gonin')
Sous le pont,
cinq personnes attendent
la fin de l'averse d'automne.
Le trésor de Kabeuth-Pot
« Sachez que je lui donne toute ma confiance, mon cher monsieur Lampetoque.
– Sauf votre respect, capitaine, je pense que vous ne devriez pas offrir votre précieuse confiance à cette créature.
– Ce lutin des enfers nous a donné sa parole !
– Mais il est écrit dans le manuel du bateau que les lutins des enfers ne tiennent jamais leurs promesses, capitaine.
– Le manuel du bateau, mon cher monsieur Lampetoque, c'est pour les mauviettes. Quand cet épais brouillard se dissipera,
nous nous trouverons dans la salle du trésor de Kabeuth-Pot et nous serons heureux jusqu'à la fin de nos jours.
– Je crains hélas que c'est en enfer que nous arriverons, capitaine. »
La rive est l'arrivée
Le bateau, dans ces eaux, saute, les fend. Phares en vue !
Le bas, tôt, danse et zozote les fanfares en vue.
Le haut est occupé à guetter. Après
le ohé, toque huppée ! Ah ! gaîté âpre ! Et,
levant des verres, se serrant : cœurs allègres.
Le vent déverse ses rancœurs sales, aigres.
Chaque hunier tend d'or mille cordes dans ces souffles,
chacune y est endormie. Le cor, dedans, s'essouffle...
La grande fête de la saint Glinglin
La grande fête de la saint Glinglin
est une très ancienne tradition.
Il s'agit du dernier jour des calendes grecques,
qui ont lieu au cours du mois embolismique de mercédoin.
« Glinglin » évoquant le tintement des cloches,
la saint Glinglin signifie
« quand les cloches sonneront ».
À la nuit tombée,
tous danseront autour du grand feu
dans lequel saint Glinglin sera porté.
Ce n'est qu'un ample fantoche de paille,
comme chaque année.
La fumée s'élèvera
au dessus des rires et des violons
pour se fondre dans le ciel noir.
Puis les cloches sonneront
la fin des solennités.
Le bugle
Il utilise un bugle
pour énerver les gens.
Il l'attache à la corde grossière
qui tient son pantalon de toile verte,
et va de par les rues.
Hier,
il a soufflé dans son bugle
pour énerver monsieur le préfet.
Monsieur le préfet a déclaré :
« diantre, que c'est énervant. »
Escobarderie
On m'a joué un tour
d'une mesquinerie sans pareille.
Quand je me suis levé ce matin,
quelqu'un avait posé
au sommet de chaque brin d'herbe
une goutte d'eau.
Je ne connais pas l'auteur
de cette infâme espièglerie,
mais son forfait a dû lui prendre
toute la nuit.
Au matin
Délicatement posée
Sur la bande gazonnée,
Une poire
Lisse et noire,
À l’œil jaune,
Au bec jaune,
Tourne la tête et s'envole !
Campement
Les chiens s'étaient installés
en haut de la colline.
Insouciance
Elle ramassait les coquelicots
pour en faire des tartes,
ce qui,
bien évidemment,
navrait profondément monsieur l'abbé.
Injonction de nature scientifique
Mesurons le temps en lustres
et les instants
en candelas.
L'apparition du daim volant
« Messire, regardez ! Le daim volant !
– Mais vous avez raison, mon brave Philibert ! C'est le daim volant ! Le magnifique daim volant !
– Celui-là même qui est immatriculé 21, Messire !
– Passez-moi le tromblon, Philibert ! Il fera très bien au dessus de la cheminée.
– Messire, vous ne pouvez pas le tuer !
– Et pourquoi pas, Philibert ?
– Parce que je l'aime, Messire !
– Vous aimez ce daim, Philibert ?
– Oui, Messire.
– C'est vrai qu'il est beau. Et bien tant pis. Nous reviendrons le tuer demain.
– Avec joie, Messire ! »
Et ils s'en allèrent.
Taraxacum
Une procession
Surgit de derrière.
Le premier larron,
Sans un commentaire,
Gonfle son pébroque
Et saute du roc.
Le vent le charrie
Au loin dans le ciel.
Le deuxième aussi
Ouvre son ombrelle,
Se jette et nous quitte.
Et ainsi de suite...
Toute cette file
À l'aspect fantasque
Vole, s'entortille
Au gré des bourrasques,
Se fond dans les nues.
Ça y est.
Je ne les vois plus.
Aux Indes
Que voulez-vous que je fasse
de ces dix-huit brahmanes ?
Je n'en ai jamais eu l'usage.
J'ai marché avec la Lune
J'ai marché avec la Lune,
On est devenus amis :
Je courais après l'automne,
Il se trouvait qu'elle aussi !
Cheminant, je l'ai fait rire ;
Je l'ai aussi taquinée.
Mais la veille de partir,
Ell m'est tombée dans les bras,
Me confiant tous ses malheurs,
Me montrant sa face en pleurs,
Que les autres ne voient pas ;
Et je ne pus qu'acquiescer.
Quand je la vois aujourd'hui,
Je connais son infortune.
J'ai marché avec la Lune,
On est devenus amis.
La Lune
Futuriste
En l'an
deux mille mille,
l'argile
avait anéanti
le monde.
Collisions
Bashô : un bulbe ?
Les gnous de bois : une idée brillante !
Tout l'or d'Al Kandar le mauvais disciple.
Le flan aux épices ! Ah le petit enfoiré !
Le bugle : escobarderie.
Au matin, campement.
Insouciance : injonction de nature scientifique.
Aux Indes, j'ai marché avec la Lune futuriste.
Collisions : le retour de la poire ~
Le retour de la poire
Je t'ai revu,
sacré oiseau !
Haïku automnal
熱風や
大学の
イチョウ輝く
(neppû ya
daigaku no
ichô kagayaku)
Vent chaud ~
À l'université,
le ginkgo étincelle.
Est-ce un pique-nique raté pour autant ?
Les fraises ont été mangées
par l'ours affamé.
Ambiance
Réflexion sur le pique-nique
Le pique-nique est une des situations dont le cas idéalisé est le plus éloigné du cas réel.
Le bois du daim volant
Les papillons maléfiques
Papillons noirs,
Noirs de suie,
D'ébène et de fumée.
Derrière la vitre,
Je vous regarde passer
Car je sais que vous transportez
La malédiction
De quelque sorcière amoureuse.
Ginkgo Biloba (d'après Goethe)
La feuille d'arbre, qui par l'Est
À mon jardin fut concédée,
Donne à goûter un sens secret,
Qui au savant est manifeste.
S'agit-il d'un être vivant
Qui s'est scindé en deux folioles ?
En sont-ce deux qui se recollent
Tant qu'on y voit qu'un élément ?
Pour démêler un tel mystère
J'ai trouvé la bonne façon :
Ne sens-tu pas à mes chansons
Que je suis double et unitaire ?
Comptine stupide
Un, Deux et Trois
marchent en Australie.
« N'avancez pas ! »
Le forestier leur dit,
« L'ours écraseur
Se jette sur celui
Qui par malheur
Chemine sous son nid ! »
Un, Deux et Trois
Se moquent bien de lui,
Vont dans le bois
Pour y passer la nuit.
Un est cueilleur :
Il part chercher des fruits...
L'ours écraseur
Tombe soudain sur lui !
« Ça fait déjà
Longtemps qu'Un est parti ! »
Seuls, Deux et Trois
En attendant s'ennuient.
Deux est porteur :
Il part chercher un puits...
L'ours écraseur
Tombe soudain sur lui !
« Un jour déjà
Un et Deux sont partis ! »
Seul au camp, Trois
En attendant s'ennuie.
Trois est chasseur :
Il part chercher des pies...
L'ours écraseur
Tombe soudain sur lui !
Un, Deux et Trois
Sont morts en Australie.
Ils n'avaient qu'à
Aller en Picardie.
Haïku libre
湯落ちたり
茶で思い出す
遠い国
(yu ochitari
cha de omoidasu
tooi kuni)
L'eau chaude tombe
sur le thé et je me remémore
un pays lointain.
Rêveries d'une kokeshi
Mignonne kokeshi
Posée sur le piano,
Emplis de mélodies
Ton rouge kimono.
Jamais ne les oublie,
Sache les chanter haut
Pour trouver en mari
Un bel akabeko !
Hahaha
Bons camarades,
Rions gaîment
Des bouffonades
De l'ours dansant !
Son minuscule
Accordéon
Est ridicule,
Applaudissons !
Et reprenons du flan ~
Enthousiasme
Cet hiver,
au jardin botanique,
les passionnés viennent du monde entier
pour observer
rutabagas et autres tubercules de précision.
Avril
Avril est un mois de fête
Pour les haricomycètes :
Ils ouvrent les pâquerettes,
Les pissenlits, les violettes !
Réflexion sur le livre
Il y a un avantage bien souvent négligé à acheter un livre qu'on a déjà : c'est qu'on n'a pas besoin de le lire.
ソディウム灯を
通り過ぎれば
化け女
夏の夜には
笑うかな
(sodiumu tô o
toorisugireba
bake on'na
natsu no yoru ni wa
warau kana)
Si tu passes dans la lumière
des lampes au sodium,
la femme fantomatique
rira peut-être
dans la nuit d'été.
La nana de sodium
Le guitariste
En longeant les hêtres
Que vingt lampadaires
Peinent à faire être,
Je reviens d'hier.
Dans l'obscurité,
Chaleureuse, orange :
La sérénité,
Silencieuse, étrange.
Et, me ressassant
Quelques apophtegmes
D'un ami savant
Dictés avec phlegme,
J'entends un bonhomme
Qui chante à la nuit
« Nana de sodium ! »
Je chante avec lui.
Peut-être a-t-il cru
Les énergumènes
Disant l'avoir vue ?
Légendes urbaines...
Le camelot
Un bouquet de fleurs de trèfles,
Un panier d'odeur de nèfles :
C'est tout ce qu'a dans ses mains
Le vendeur de rien !
Il mettra dans ta bassine
Du vent, des trous de narines,
Deux oublis, quatre lacunes,
Des sornettes et puis des prunes.
Il mettra dans ta besace
Des pipeaux, beaucoup d'espace,
Quelques mots, de la poussière,
Un fantôme et trois chimères.
Quand tu rentreras chez toi,
Furieux, tu t'apercevras
Que tu es dépossédé,
Que tes poches sont percées.
Un bouquet de fleurs de trèfles,
Un panier d'odeur de nèfles :
C'est tout ce qu'a dans ses mains
Le vendeur de rien !
Haïku libre
職道や
探鳥爺の
鷺話
(shokumichi ya
tan'chô jiji no
sagi hanashi)
Le chemin du travail ~
Un pépé amateur d'oiseaux
me parle d'un héron.
Haïku estival
へきれきよ
父子走り出す
夏の雨
(hekireki yo
fushi hashiridasu
natsu no ame)
Coup de tonnerre !
Un père et son fils se mettent à courir.
Pluie d'été ~
Haïku estival
日の下で
傘咲きにけり
波の音
(hi no shita de
kasa saki ni keri
nami no oto)
Sous le soleil,
les parasols ont fleuri !
Le bruit des vagues ~
Haïku libre
煌めきに
なった湖面の
白詐欺か
(kirameki ni
natta komen' no
shirosagi ka)
Serait-ce en scintillement
que s'est changé, à la surface du lac,
le héron blanc ?
Haïku libre
睡蓮に
小魚跳ねる
助けなきゃ
(suiren' ni
kozakana haneru
tasukenakya)
Sur les nénufars,
un petit poisson sautille !
Il faut l'aider !
Haïku libre
事務室に
みなを騒がす
白子鳩
(jimujitsu ni
mina o sawagasu
shirakobato)
Au bureau,
tout le monde est dérangé
par cette tourterelle.
Haïku libre
森道や
やっと見つけた
蓮の池
(mori michi ya
yatto mitsuketa
hasu no ike)
Chemins de forêts ~
J'ai enfin trouvé
l'étang aux lotus !
Haïku libre
赤リスを
伝おう森の
出口まで
(akarisu o
tsutaô mori no
deguchi made)
Suivons les écureuils roux
jusqu'à la sortie
de la forêt !
Haïku libre
今朝バンド
上手になるぞ
柳川
(kesa ban'do
jôzu ni naru zo
yanagi gawa)
Ce matin, l'orchestre
s'améliore !
La rivière aux saules ~
Haïku libre
天壇や
神湯沸しと
見紛うか
(ten'tan' ya
kami yuwakashi to
mimagau ka)
Le temple du ciel :
les dieux ne le prendraient-ils pas
pour une théière ?
Haïku libre
太鼓塔
人の心に
まだ響く
(taiko tô
hito no kokoro ni
mada hibiku)
La tour aux tambours
résonne encore
dans le cœur des gens.
Haïku libre
優女
この葫蘆に似る
久しぶり
(yasa on'na
kono koro ni niru
hisashiburi)
La femme attentionnée
ressemble à présent à cette calebasse !
Comme le temps passe vite !
Haïku libre
あの富で
喜ばないね
鉢魚
(ano tomi de
yorokobanai ne
hachi zakana)
Cette fortune
ne semble pas les réjouir...
Les poissons de la vasque ~
Haïku estival
この塚の
蘭や林逋の
最後の句
(kono tsuka no
ran' ya Rin' Po no
saigo no ku)
Sur le tertre,
une orchidée ! Voilà le dernier vers
de Rin Bu.
Haïku automnal
木の下で
雨まだ降るよ
秋の朝
(ki no shita de
ame mada furu yo
aki no asa)
Sous les arbres,
la pluie tombe encore !
Matin d'automne ~
Haïku automnal
帰ったぞ
私の通り
栗だらけ
(kaetta zo
watashi no toori
kuri darake)
Je suis rentré !
Ma rue
est couverte de châtaignes.
Haïku libre
探された
小包庫へ
道を聞く
(sagasareta
kodzutsumi gura e
michi o kiku)
Je demande mon chemin
dans l'entrepôt de colis
que je cherchais !
Haïku libre
狸だよ
いや一介の
岩だなあ
(tanuki da yo
iya ikkai no
iwa da naa)
Un tanuki !
Ah... non... c'est juste
un rocher.
Au lever
Courant sur l'horizon,
le Soleil transperce le bosquet
de ses flèches blanches.
Convoite-t-il la chair (ou la toison !)
du magnifique daim volant ?
Il n'aura finalement
que des pies et des lapins.
De rage, il assassine
le Givre et la Brume,
qui rampaient derrière un buisson.
Au coucher
Le jour s'est déjà retiré,
mais la nuit n'est pas encore là.
L'office du crépuscule a même été
délégué à un pamplemousse.
Les poules d'eau se sont toutes réunies
pour dire adieu au dernier lotus.
Sauf Quéquette,
la plus étourdie des poules d'eau,
qui s'est coincée dans une ornière.
Sous-bois
Le silence des mousses,
Le murmure des terriers ;
Les ragoustapattes
S'apprêtent à hiberner.
La pire biographie de Napoléon Bonaparte
verset 1
Ne désirant plus rien,
ni la splendeur de Guy Lux,
ni les baies faisant ployer nonchalamment
la branche morne du houx,
le fracas transfigure enfin pleinement toutes les malversations
commises en secret par les hauts-fonctionnaires
et leurs récipiendaires.
Quelques oiseaux bleus
jaillissent de la canopée vagabonde
pour rejoindre l'aurore azimutale.
Saturne lui-même
ne sait plus où il a bien pu égarer son retable d'argent.
Seul un pommier embourbé sur le chemin que nul n'emprunte
se souvient l'avoir vu l'enterrer non loin de là.
La planète se rendort en maugréant des imprécations
dans son nébuleux édredon.
Une jurisprudence nous éclairera samedi ;
en attendant,
que chacun orne sa table basse d'une bougie pastel
en souvenir des souliers pimpants de Stanislas.
La pire biographie de Napoléon Bonaparte
verset 2
Oubli suave,
rond et juteux,
unique fruit de l'échiquier,
déchiqueté par les vautours avides qui tournent sans fin
dans l'azur perçant du Colorado !
Tes grains donneront des légumes
pour plus d'un siècle de récoltes.
Les ratons paisibles du bocage
en auront pour eux aussi.
La femelle en prémâchera pour ses petits,
qui sont blottis au fond du terrier.
Idem pour les spéléologues.
Haïku automnal
タバコ爺
犬を責めたり
朝の霜
(tabako jiji
inu o semetari
asa no shimo)
Un vieux fumeur
dispute son chien.
Givre au matin ~
Haïku automnal
秋嵐
屋根を揺る皆
目覚めらず
(aki arashi
yane o yuru mina
mezamerazu)
La tempête d'automne
secoue le toit ; personne
ne se réveille.
Haïku automnal
老婆たち
墓を片付く
嵐後
(rôba tachi
haka o katadzuku
arashi ato)
Les vieilles
mettent de l'ordre parmi les tombes
après la tempête.
La pire biographie de Napoléon Bonaparte
verset 3
Vortex effréné, vortex abyssal !
Qui de Patagonie n'enviera pas ton carousel ?
Je n'en connais tout simplement pas.
Sur les collines,
sous les collines,
dans les collines...
Les feux follets méphistophéliques fixent les égarés.
Gare à vous !
Druides géothermiques et gnomes farouches
bondiront jusqu'à trouer le sol.
Frénésie sélénite
si décriée par les notables
(qui n'en foutent pourtant pas une !)
Les moines tubulaires, eux,
feignent de ne rien savoir de tout cela,
et des psaumes sifflantes continuent de dégouliner
par l'unique orifice de leur tête de métal.
Quand nous les frapperons,
ils éclateront comme des vases d'eau chaude.
Mais pour l'heure : patience.
Haïku hivernal
木の霜や
自分の庭の
面忘れ
(ki no shimo ya
jibun' no niwa no
omowasure)
Ah, le givre sur les arbres !
Mon propre jardin
me semble inconnu.
Haïku libre
どしどしよ
駅が混んでる
星なき夜
(doshidoshi yo
eki ga kon'deru
hoshi naki yo)
Tap tap tap tap,
la gare est encombrée !
Nuit sans étoiles ~
Haïku hivernal
枯れたから
木の頂の
巣見にけり
(kareta kara
ki no itadaki no
su mi ni keri)
Comme il est mort,
l'arbre, à son sommet,
donne à voir un nid.
Haïku libre
白樺に
黒菱形の
乱舞かな
(shirakaba ni
kuro hishigata no
ran'bu kana)
Sur le bouleau blanc,
la danse folle
des losanges noirs ~
Haïku libre
大将の
像の右頬
苔むして
(taishô no
zô no migi hoho
koke mushite)
La statue de l'amiral
a sa joue droite
mouchetée de lichen !
Haïku libre
愛される
喜び星を
潤ませる
(aisareru
yorokobi hoshi o
urumaseru)
La joie d'être aimé
mouille et trouble
les étoiles ~
Haïku printanier
シャッターを
通る若葉の
光かな
(shattâ o
tooru wakaba no
hikari kana)
Au travers des volets,
scintillent
les jeunes feuilles !
Haïku printanier
朝焼けや
昨日あったか
松ぼくり
(asayake ya
kinô atta ka
matsubokuri)
Aurore ~
Étaient-elles là hier,
les pommes de pin ?
Haïku printanier
春の朝
丘のタンポポ
集まって
(haru no asa
oka no tan'popo
atsumatte)
Matin de printemps ~
Pissenlits sur la colline,
rassemblez-vous !
Hom' de paille
Hom' de paille !
Hom' de foin !
Né des tailles,
D'herbes plein,
Tes entrailles
Ont le grain
Des broussailles
Du chagrin.
Hom' de paille !
Vois ta fin :
Les semailles
En ton sein
Germeront,
Sortiront,
Fleuriront
Les chardons
D'un nouvel été ~
Dans la lande d'été
Dans la lande d'été,
Au soir, ni chevaliers,
Ni le dragon d'acier !
Par delà les avoines,
On voit les caravanes
D'une halte gitane...
Don Miguel, sur sa souche,
Est le roi des manouches
Car son nocturne abouche
Au feu ceux qui s'égarent,
Pour parler, pour s'asseoir,
Au son de sa guitare.
Des confins du néant,
Vrombit le crissement
Des criquets stridulant
Dans la houle de l'herbe.
Fascinant les ténèbres :
Leur liturgie superbe.
Haïku libre
木の中に
鳥案じない
選挙の夜
(ki no naka ni
tori an'jinai
sen'kyo no yo)
Dans l'arbre,
les oiseaux ne s'inquiètent pas !
Soirée d'élection ~
Haïku estival
枯れ枝に
でで虫かかる
夏野かな
(kare eda ni
dedemushi kakaru
natsu no kana)
À la branche morte
pend un escargot.
La lande d'été ~
Haïku estival
夏丘や
放られた墓の
とかげ寝る
(natsu oka ya
horareta haka no
tokage neru)
Colline d'été ~
Sur les tombes délaissées
dorment des lézards.
Haïku libre
教会の
穴に入ったり
四十雀
(kyôkai no
ana ni ittari
shijûkara)
Une mésange
entre dans un trou
de l'église.
Haïku estival
オランダも
柳堀江に
焼けりけり
(oran'da mo
yanagi horie ni
yakerikeri)
Même les Hollandais
sont venus au canal aux saules
pour bronzer !
Ah !
Tu as ri de ce qu'on ne va
ni au ru où tu as lu un nô en wu en un an
et où tu as su us et dô du Li,
ni au ru où tu as bu un ay et un to,
où tu as vu ci et ça :
un aa,
un if in,
un aï mu du ba,
le do, le ré, le mi, le fa, le la et le si du ud en ut,
un ex-as ès go né nu,
et où tu as eu de ce bi-là
un dé et un os en or.
Eh !
Fi de ce ru-ci !
Fi de ce ru-là !
Et fi de ce bi !
Na !
Haïku automnal
ストーブを
駅長据えた
河口湖
(sutôbu o
ekichô sueta
kawaguchiko)
Un poêle
a été installé par le chef de gare
au lac Kawaguchi.
Haïku automnal
枯れ葉の重さ
むねを打つ
秋の風
(kareha no omosa
mune o utsu
aki no kaze)
Vent d'automne ~
La lourdeur d'une feuille morte
heurte ma poitrine.
Haïku libre
空色も
松樹皮色も
カケスかな
(sora iro mo
matsu juhi iro mo
kakesu kana)
Tout de ciel vêtu
et d'écorce de pin :
ah ! le geai !
Haïku libre
今朝カモメ
池から鷭を
追い出した
(kesa kamome
ike kara ban' o
oidashita)
Ce matin, les mouettes
ont chassé les poules d'eau
de l'étang.
Haïku libre
ぱちぱちと
鴨池に
一着になる
鷭最後
(pachipachi to
kamo ike ni
icchaku ni naru
ban' saigo)
Clap clap !
et les canards sont à l'eau
les premiers !
Les poules d'eau en dernier.
Madam' Pipi
Il est minuit,
Madam' Pipi
A fait pipi.
- Tuyauterie -
Et ses talons
Tant de bruit font
Sur le plafond ;
Nous somnolons.
Il est minuit,
Madam' Pipi
Clôt la soirée
D'un menuet
Jouant de ses
Volets rouillés.
Il est minuit,
Madam' Pipi !
Haïku hivernal
初雪や
森のぽろぽろ
コマドリに
(hatsuyuki ya
mori no poroporo
komadori ni)
Première neige ~
Le plic-ploc de la forêt
sur les rouges-gorges.
Chez le marquis,
un mesclun modeste en apparence.
Toutefois, les amateurs de salade reconnaîtront
le raffinement d'une roquette parcimonieuse
et l'éloquente fraîcheur des feuilles aldines.
Haïku hivernal
紺ずきん
枯れ木のリスを
探すらむ
(kon'zukin'
kareki no risu o
sagasuramu)
Le petit chaperon bleu
semble chercher des écureuils
parmi les arbres flétris.
Haïku hivernal
夜帰り
灯で雪見える
二三片
(yoru gaeri
hi de yuki mieru
ni san' pen')
Retour tardif.
Un lampadaire fait voir la neige :
deux-trois flocons.
Haïku hivernal
寒空の
上に渦巻く
煙の香
(samuzora no
ue ni uzumaku
kemuri no ka)
Par delà le ciel d'hiver
tournoie
le parfum de la fumée.
Haïku hivernal
ウタドリ迷う
草白し
冬日和
(utadori mayou
kusa shiroshi
fuyubiyori)
Le merle, perplexe
dans l'herbe blanchie.
Calme jour d'hiver ~
Haïku hivernal
氷ってた泥
靴をもう
汚せない
(kootteta doro
kutsu o mô
yogosenai)
Gelée,
la boue ne souille désormais plus
mes chaussures.
Haïku hivernal
苔だけの
緑や鴨の
池うねる
(koke dake no
midori ya kamo no
ike uneru)
La mousse comme seule
verdure. Un canard
fait onduler l'étang.
Haïku hivernal
鼻垂れて
初水仙に
気づきけり
(hana tarete
hatsu suisen' ni
kidzukikeri)
La goutte au nez,
je remarque
les premiers narcisses.
Illusion
Grondent les nuages zinzolins
de pluie chaude, lisse et douce
qui roule sur la peau.
Grondent les tonnerres insolents,
les tonnerres entêtants,
zinzinulant.
Ils grondent tant et tant et tant
que les cigales se sont tues,
que l'on n'entend plus le Soleil !
Que l'on n'entendait même plus
le triomphe des Cèdres.
L'irréel, si saisissant ;
et le réel,
si lointain ~
Inari
Inari, Inari,
Pourquoi donc de renard
Te changer en jolie
Et troubler un vieillard ?
Puis répandre le bruit
Qu'au seuil du Shinnyo-dô
Auraient été enfouis
De l'or et des cadeaux ?
Inari, Inari,
Malicieuse déesse !
Tant de dupes ravis
Vers tes marches se pressent
Jusqu'au mont Yoshida
Pour y mettre une pièce,
Pour y sonner le glas
De tes belles promesses !
Inari, Inari,
Ah ! Je serai l'un d'eux !
Raoutas
Au milieu de la nuit,
Tu gratt' à ma fenêtre.
Est-ce que c'est, peut-être,
Pour être mon ami ?
Je ne suis pas un monstre
Comm' toi,
Le nain,
Ou le crocodile.
J'ai autre chose à faire.
Je reviendrai vers toi
Quand je serai un monstre.
Ce n'est pas très sympa,
Mais grand comme est ton cœur,
Tu me pardonneras.
Au milieu de la nuit,
Tu gratt' à ma fenêtre.
Est-ce que c'est, peut-être,
Le seul son de la pluie ?
Voici ce que je dirais
Le rire et la colère
Sont de la mêm' nature :
Le rire est la colère
Avant qu'ell' ne soit mûre.
Quand il voit des clochards,
Le sot marquis se marre,
Mais c'est que son esprit
Voit une anomalie :
S'il était insensible,
Il serait impassible.
Quand il voit les clochards,
L'humaniste en a marre,
Parce qu'il a compris
D'où vient l'anomalie :
C'eût été illisible,
Ç'aurait paru risible.
Une graine est le rire
Qui parfois devient ire
Lorsque l'on prend le temps
De questionner "comment ?"
Et qu'après examen,
Une injustice point.
Quand ce n'est pas la peine
(Et c'est souvent le cas),
La graine reste graine.
Méfions-nous toutefois :
Le rire et la colère
Sont de la mêm' nature :
Le rire est la colère
Avant qu'ell' ne soit mûre.
La cage (conte moderne)
Harry Glumberger (le milliardaire) voulait posséder l'oiseau.
Alors, pour quelques millions, il fit mettre l'oiseau en cage.
C'était un jeune mâle au plumage noir brillant.
Mais l'oiseau désirait revenir à la forêt.
Au bout de quelques jours, l'oiseau mourut, et Harry,
voyant qu'il le possédait enfin tout à fait, gloussa dans sa morve :
« Hrnuhreuhreuhrnueuk ! Hrnrrk. »
Le vase (conte moderne)
Ding dong ! C'était le percepteur des impôts.
Steeve s'empressa de cacher sa nudité dans le premier vase qui lui vint (en l'occurrence, un Ming).
Mais il resta coincé dedans.
Le percepteur des impôts, qui, par son métier, avait l'habitude de rencontrer ce genre de situations,
l'aida à essayer de s'en extraire. Mais ce fut en vain.
Sel de table
Ah ! le sel !
Dont l'odeur n'est autre que celle
De la pâte à sel ~
La mystique
Dans la forêt, les monts se fendent
Et sur les marches du sentier
Des eaux limpides se répandent.
Elle est assise, à psalmodier.
Et sur les marches du sentier,
Interloquant les promeneurs,
Elle est assise à psalmodier
Une ode abstruse avec ferveur.
Interloquant les promeneurs
De ses cheveux, qu'a tôt blanchis
Une ode abstruse avec ferveur
(Car c'est l'effet de la magie).
De ses cheveux, qu'a tôt blanchis
L'abus de sorts, se mure-t-elle ;
Car c'est l'effet de la magie
Que la retraite solennelle.
L'abus de sorts (se mure-t-elle ?)
Vite s'oublie : rien ne vaut plus
Que la retraite solennelle
Pour communier. Et l'assidue
Vite s'oublie. Rien ne vaut plus
Que la chanson conviant les gnomes
Pour communier. Et l'assidue
Chuchote aux arbres, aux fantômes,
Que la chanson conviant les gnomes
« C'est un secret ! » Ell', qui rêvasse,
Chuchote aux arbres, aux fantômes,
Leur tend la pomm', la poire... Hélas
C'est un secret ; ell', qui rêvasse,
L'ignore aussi ! Ell', qu'ils n'entendent,
Leur tend la pomm'. La poire, hélas,
Dans la forêt, les monts se fendent.
Oisillon
J'ai vu un oisillon
Voler comme une noix,
Petit comme une plume
Au vent ~
La menthe
De tous les évangiles,
Ceux qui jamais ne mentent
Annoncent de concile
Le retour de la menthe.
Morte en pot l'an dernier
Sans feuilles ni pétales,
Elle est ressuscitée
Quand vient l'aube pascale.
Et l'espoir de renaître
Dans la race des hommes !
Sa verdeur de promettre
Taboulés en quorum !
Poème volé à Jean-Stéphane Valflorain
Ce matin, les fleurs étaient belles
Comme les ténèbres qui séparent mes pieds,
L'obscurité des marées, moi, l'autre.
Un autre hémisphère... Alors tant
Pis pour son cœur ! Se lassant de sa loi,
sublimes, universels, immenses,
S'en vont : - poètes - les phénix des siècles, fuyant
L'ornement, et nous-même avec
Raison. Que dire ? Et la gloire vient
Pour des donneurs de victimes : dix nuits sans
Voir en tourbillons (dans ces instincts)
Ces fruits tombés du soleil amer ~
Poème volé à Jean-Stéphane Valflorain 2
C'est à l'orée du bois que tant
De vivants piliers laissent parfois
Sortir toutes ces sphères éclatantes
Dans l'air supérieur, et disent
Fort aise : « eh bien volontiers ! » De neige,
Petit prince des albatros vastes,
Chagrins, qui sait en son nez que sa loi
Sublime oppresse, répandant
Devant lui les rayons dont la bleuité
Délire et pour moi luit. C'est fort
Aise, eh bien, si un lion vient d'y croire,
Mais je veux peindre ce que je sens de nonchalance !
Meditation
Pebbles are blue,
Pebbles are brown.
Today will you
Put upside down
Those that—in trance—
Hymn quietly
—Hymn stance by stance—
The mute ditty?
Urbanisme
Qu'au détour de chaque rue soit planté un lampadaire ! La radiance du sodium doit couvrir le ciel nocturne.
Il ne faut pas que les gens de la vile vile ville aperçoivent l'univers. Ils en perdraient la raison.
Qu'on s'affaire à déclarer le chien meilleur compagnon que l'homme n'ait jamais eu ! Il ne faut en aucun cas
qu'en la vile vile ville on détourne son regard des trottoirs, qui devront désormais être parsemés de crottes.
Si jamais ils levaient le nez, ils pourraient voir les étoiles. Cela les tuerait.
Poème volé à Jean-Stéphane Valflorain 3
Quand vient la nuit, marchent longtemps mes sens
De leur chaste regard - très fiers, certes - de paix.
Dans la mer qui pue, moi ainsi
Que d'autres tyrans flattés, tout n'est
Qu'ordre et beauté, luxe, calme des lèvres.
Que n'ai-je vu ? Le soleil ? On borde
Un suaire épais, fileur
Éternel d'un loup en deuil, échouant
Dans sa vaste carrière antique.
Autour de ceux-là, qui vont flottant,
Légers, avec des bois : des amants ! Les mouches
De sainte-croix rabaissent leur loi.
Poème volé à Jean-Stéphane Valflorain 4
Pourquoi la terre, vil monceau de boue,
Et la pluie ont-ils fait « oui » dans les cieux ?
De blanches voiles. Qui êtes-vous ? Un étrange
Maître corbeau honteux ? Et les attraits,
Servent-ils aux dépens de quelque gendre ?
Un triomphe abhorré, mais j'étais
Insoucieux de ses boyaux, que la mort va
Fermer pour faire subsister l'homme qui se met
À babiller un tel ravage.
Il ne vous servira pas
Si vous faites sonner vos cheveux !
Des écumes de neige. Petit morceau de main ~
Dieu
Dieu tout puissant, surpuissant, proclama :
« Quelque part dans l'univers, il y a un grain de sable. »
Dieu tout puissant, surpuissant, proclama :
« Quelque part dans l'univers, il y a une jeune fille qui va chez le fleuriste pour elle-même. »
Dieu tout puissant, surpuissant, proclama :
« Quelque part dans l'univers, il y a un grain de sable. »
Et cetera.
Acacias
Sous les blanches frondaisons,
S'écoule à flots éternels
De devoir, de foi, de zèle
Le cantique des bourdons.
Béni des grappes du temps
Pour un vœu fait dans les airs,
Ce langage de lumière
Exalte l'âme en boitant.
Jugement
Pour celui ou celle
Qui dit posséder
Une vérité
Qui soit simple ou belle,
Le procès est prompt.
Je vous le résume :
Tremper dans les plumes
Après le goudron.
Haïku estival
窓際の寝や
風そよぐ
夏木立
(madogiwa no ne ya
kaze soyogu
natsu kodachi)
Sieste près de la fenêtre ~
Le vent bruisse
dans le bosquet d'été.
Haïku estival
詰め草の
花を這い回る蜂かな
(tsumekusa no
hana o haimawaru hachi kana)
Sur la fleur de trèfle
tournicote une abeille.
Hommage à Edmond Bukre
Matin d'automne au temps mucre.
Marchand de fraises qui sucre
Ses fruits puis les vend. ■ Lucre.
En son nid dort un volucre ;
La noisette, en involucre.
Haïku libre
見えぬ牛の鐘鳴ったり
天の川
(mienu ushi no kane nattari
ama no gawa)
Les cloches tintent
de vaches que je ne vois pas.
La voie lactée ~
Haïku estival
わがテントに近づくらむ
夏嵐
(waga ten'to ni chikadzukuramu
natsu arashi)
Il semble de plus en plus proche de ma tente,
l'orage d'été.
Haïku estival
ごろごろと
ぼたぼたや
テントに徹夜
(gorogoro to
botabota ya
ten'to ni tetsuya)
Le tonnerre gronde
et la pluie pétarade !
Nuit blanche dans ma tente.
Ah zut !
J'ai raté le lundi, et on est déjà mardi !
J'aurais dû mettre mon minuteur...
J'ai un minuteur en forme de petite tomate.
Il tourne sur lui-même en tictaquant,
puis fait
DRRRRRING !
Haïku estival
鷭も
蓮池に来にけり
バイクにサドル
(ban' mo
hasuike ni ki ni keri
baiku ni sadoru)
Même les poules d'eau
sont allées à l'étang voir les lotus en fleur !
Vite, des selles sur les vélos !
Haïku libre
朝霧や
塔の頂
まだ見えぬ
(asagiri ya
tô no itadaki
mada mienu)
Brouillard matinal ~
Le sommet du clocher
n'est pas encore visible.
Haïku hivernal
疾走し
雪を抱える
子供かな
(shissô shi
yuki o kakaeru
kodomo kana)
Un enfant
court à toute vitesse,
tenant de la neige dans ses bras ~
Haïku estival
色々な
色の生花や
蝉歌う
(iroiro na
iro no seika ya
semi utau)
De toutes les couleurs
sont les fleurs des champs
où chantent les cigales !
Haïku estival
雑草に
蝉を聞くらむ
正座猫
(zassô ni
semi o kikuramu
seiza neko)
Dans les herbes folles,
il semble écouter les cigales,
le chat assis bien droit !
Haïku estival
蚊は耳好きか
足は何も
聞けないか
(ka wa mimi suki ka
ashi wa nani mo
kikenai ka)
Les moustiques aiment-ils les oreilles ?
Ou bien les pieds sont-ils sourds ?
Pignade
Si sèche est cette terre
Que n'y prennent racine
Que les pins, les fougères,
Les ajoncs en épine.
Au sable, des silex,
Jetés pour seul chemin,
Portent les circonflexes
Des aiguilles de pin.
Le Soleil, Soleil roi,
Couronné de splendeur,
Soumet de son bon droit,
Sur les fronts, les sueurs.
Violacées, les bruyères
S'épanouissent sans bruit ;
Et puis rouillent, sévères.
Le coucou fait cuicui ~
Haïku automnal
車の屋根に
栗落ちる
ゴンッかな
(kuruma no yane ni
kuri ochiru
gon' kana)
Sur le toit d'une voiture
tombe une châtaigne
et ça fait ZBLONK.
Collisions 2
Sur le bouleau blanc, la statue de l'amiral.
La joie d'être aimé au travers des volets ~
Hom' de paille dans la lande d'été, dans l'arbre, à la branche morte...
Chez le marquis : le petit chaperon bleu.
Retour tardif par delà le ciel d'hiver ; le merle, perplexe.
La mousse comme seule goutte au nez ~
Illusion : Inari, Raoutas...
Hommage à Edmond Bukre : les cloches tintent !
Il semble de plus en plus proche de ma tente... le tonnerre gronde : DRRRRRING !
Un enfant de toutes les couleurs ~
Dans les herbes folles, les moustiques aiment-ils les oreilles ?
Pignade sur le toit d'une voiture : collisions !
Haïku automnal
金貰う
駐車員
案山子だいかに
(kane morau
chûsha in'
kakashi da ikani)
L'employé du parking
qui récolte l'argent
est un épouvantail ! Mais pourquoi ?!
Ciel d'été
Véga ! Al Fawaris... Déneb. Eltanin et Rastaban !
Arcturus, puis Mufrid. Pulcherrima. Gemma. Delta Bootis ?
Altaïr et Tarazed !
Benetnash, Mizar, Alioth... (un chêne).
Yed Posterior, Yed Prior.
Haïku estival
蓮池や
棒に競泳
犬二匹
(hasuike ya
bô ni kyôei
inu nihiki)
Entre les nénufars de l'étang,
qui nagera le plus vite au bâton ?
Deux chiens ~
Haïku automnal
羽根つきの
やっぱり無理よ
秋の風
(hanetsuki no
yappari muri yo
aki no kaze)
Comme on pouvait s'y attendre,
faire du badminton est impossible
avec ce vent d'automne !
Haïku automnal
犬羽根を
奪いけり
秋の公園
(inu hane o
ubaikeri
aki no kôen')
Un chien
a dérobé le volant !
Le parc en automne ~
Haïku automnal
羽根つき手
頭に栗を
受けにけり
(hanetsukite
atama ni kuri o
uke ni keri)
Un des joueurs de badminton
a reçu un marron
sur la tête !
L'hypothèse de la simulation
Au dessus du ciel
Sont les programmeurs
Dont le logiciel
Est notre demeure :
Un simple software
Invente et calcule
Le grand univers,
Meut ses particules.
Pourquoi font-ils ça ?
S'ennuient-ils autant
Que tous nos tracas
Sont divertissants ?
Est-ce une expérience
De sociologie ?
Ou de neurosciences !
Ou de biologie ?
Des simulations
Font-ils tant éclore
Qu'ils ont de questions ?
Ou bien est-ce alors
Pour connaître leur
Probabilité
D'être eux-mêmes les
Fruits de créateurs
Au dessus du ciel
Au dessus du ciel ?
Ils n'ont pour ceci
Qu'à compter les mondes
Qui auront aussi
Créé d'autres mondes...
Carnage
L'hip-hop-
-tame
Sam,
L'hip-hop-
-tame
Bob,
L'hip-hop-
-tame
Zénobe
Gramme
Galopent,
Brament,
Slament.
Zélotes,
Crame-
globe,
Dérobent
L'âme
D'un homme :
Drame !
Hold-up !
Ram-
-dam !
Syncopes !
Zblam !
Chocs :
De snobes
Femmes
De bonne
Fame
Pâment !
*
* *
Fan-club :
Cam-
-escope,
Tam-
-tam ~
Haïku automnal
泡出るや
泡弾けるや
泥たまり
(awa deru ya
awa hajikeru ya
doro tamari)
Une bulle apparaît !
Une bulle éclate !
Flaque de boue ~
Haïku automnal
鴨川や
亀道に出る
枯れ葉から
(kamogawa ya
kame michi ni deru
kareha kara)
La Kamogawa ~
Une tortue s'aventure sur le chemin,
hors des feuilles mortes.
Haïku automnal
イチョウ葉で
LOVEと書きけり
守衛さん
(ichô ha de
rabu to kakikeri
shuei san')
Avec les feuilles de ginkgo,
monsieur le gardien
a écrit "LOVE".
L'enfance d'Harry Glumberger
Harry Glumberger, enfant, avait le cœur pur.
Loin de moi l'idée de vouloir répandre l'escroquerie courante
selon laquelle tous les enfants auraient le cœur pur !
Bien évidemment que les enfants sont corrompus par le diable,
qu'ils mentent comme ils respirent,
qu'ils n'ont pas conscience de la souffrance d'autrui,
qu'ils sont égoïstes, manipulateurs et capricieux.
D'où la nécessité de l'éducation, qui, elle seule,
peut les transformer en adultes, aptes à la vie en société.
Les adultes qui n'ont pas reçu cette éducation
ne sont que de la marmaille hypertrophiée.
Toujours est-il qu'Harry Glumberger, enfant, avait le cœur pur.
Quand il avait peur de la nuit, que la tempête battait aux carreaux,
que la forêt faisait soudain « patacrac »,
son père, Joseph Glumberger (le milliardaire),
venait le consoler, lui dire que ce « patacrac » n'était que le bruit
de l'effondrement d'un arbre ou d'un régime communiste.
Haïku estival
暑すぎるから
木の下で
歩かなきゃ
(atsusugiru kara
ki no shita de
arukanakya)
Il fait si chaud
qu'il nous faut marcher
sous les arbres.
Haïku libre
悪夢隣も
覚ますらむ
月なき夜
(akumu tonari mo
samasuramu
tsuki naki yo)
Un mauvais rêve
a dû également réveiller le voisin...
Nuit sans lune ~
Expédition
Une dream team.
Voilà qui était indispensable à quiconque escompterait s'emparer du légendaire trésor de Kabeuth-Pot.
Harry Glumberger (le milliardaire), Al Kandar et le roi Philippe financèrent donc
à hauteur de cent mille milliards de mille sabords
une équipe expéditionnaire éblouissante.
Celle-ci se composait notamment d'Edmond Bukre, l'explorateur irlandais, promu amiral pour l'occasion,
de Zénobe Gramme (l'inventeur belge, pas l'hippopotame),
de Charles-Marie Coiffé, marquis de Lampetoque,
de Philibert, le fidèle palefrenier du roi Philippe,
de Matsuo Bashô,
de madame Walmond,
de monsieur l'abbé,
de monsieur le préfet,
du guitariste Don Miguel,
d'un percepteur des impôts,
et de Zénobe Gramme (l'hippopotame, pas l'inventeur belge).
La cale fut remplie de grands vins, de rôtis de poules d'eau en abondance,
de toques à plumes et de cors (les bugles furent proscrits)
destinés à fêter leur arrivée sur les rivages de l'atoll fantasmagorique de Gualalumpa.
Ils errèrent sur l'océan six mois durant.
Puis, le 14 juin, apparurent au loin les phares rudimentaires bâtis de bric et de broc par Matthew Flinders et George Bass en 1798.
Encore cette phrase
Il ne leur fallut que quatre jours pour atteindre la côte.
Haïku automnal
朝露や
藪の蜘蛛の巣
現れる
(asa tsuyu ya
yabu no kumo no su
arawareru)
Rosée du matin ~
Sur les buissons, les toiles d'araignées
sont rendues visibles.
Haïku automnal
初枯葉
降り積もったり
側溝に
(hatsu kareha
furitsumottari
sokkô ni)
Les premières feuilles mortes
tombent et s'accumulent
dans le caniveau.
Citation hors contexte
Une plante,
c'est comme ça.
C'est l'armée qu'a mis ça là.
Haïku automnal
荷と君と
すれ違いけり
朧月
(ni to kimi to
surechigaikeri
oborodzuki)
Toi et tes bagages,
nous nous sommes croisés sans nous voir.
Lune voilée ~
Haïku libre
読み過ぎて
サンドを食べず
駅の月
(yomi sugite
san'do o tabezu
eki no tsuki)
Absorbé par un livre,
j'ai oublié de manger mon sandwich.
La lune sur la gare ~
Haïku automnal
風車
撫でたり秋の
暗雲を
(kazaguruma
nadetari aki no
an'un' o)
Les éoliennes
effleurent dans l'automne
les sombres nuages ~
Haïku estival
去んで見る
花二輪
獅子唐もがな
(in'de miru
hana nirin'
shishitô mogana)
Rentrant chez moi, je vois
deux fleurs.
Comme j'aimerais avoir un poivron !
À nouveau ?
Sur la grand-place du village
jaunie par la canicule,
désertée,
le Christ enfant, oisif,
joue au bilboquet,
joue au jokari,
fait du patin à roulettes.
Haïku automnal
スケートで
栗サッカーの
難しし
(sukeito de
kuri sakkâ no
muzukashishi)
En rollers,
le football-châtaigne
est si difficile ~
Haïku libre
イチジクの
久しぶりけど
まだ不味し
(ichijiku no
hisashiburi kedo
mada mazushi)
Une figue !
Ça faisait longtemps... mais
c'est toujours aussi mauvais ~
Le papier
市の址の四の
士の師の死の
史の詩の紙
ってどこ?
猪の野の
獅子の篠に!
(shi no shi no shi no
shi no shi no shi no
shi no shi no shi
tte doko
inoshishi no no no
shishi no shino ni)
Le papier du poème de l'histoire
de la mort du maître des quatre
guerriers de la ville en ruine ~
Où est-il ?
Parmi les bambous du lion
des plaines aux sangliers !
Haïku estival
公園の
木漏れ日煙し
バーベキュー
(kôen' no
komorebi kemushi
bâbekyû)
Au parc,
les rayons de soleil perçant à travers les feuillages sont enfumés.
Barbecues ~
Haïku automnal
舞い降りて
実を捨て壊す
鴉かな
(mai orite
mi o sute kowasu
karasu kana)
Il descend en piqué,
Et jette une noix pour la briser.
Le corbeau ~
Avant la pluie
La grisaille nouvelle ~
Deux péripatéticiens philosophent.
Les enfants terminent leur partie de ballon.
Un retardataire n'est pas encore là.
Puis vient la pluie.
Tombent ses longs filaments verticaux
reliant le ciel à la terre,
remplissant l'espace tridimensionnel,
imposant au monde d'en bas le règne du pétrichor.
Sous la pluie,
il n'y a plus de philosophie ;
la balle en mousse prend l'eau ;
un retardataire court, en ciré.
Haïku automnal
蓮の托より
霧盛るる
日差しかな
(hasu no taku yori
kiri moruru
hizashi kana)
Au dessus des têtes de lotus,
perçant le brouillard :
les rayons du soleil ~
Sur le relativisme moral,
qui fait quasi-consensus parmi les élites
Il pend une Morale
À chaque barbe ancienne ;
Chacun vante la sienne,
Tous moquent les rivales.
On court donc se noyer
Dans le relativisme
Ou dans le nihilisme,
Cynique ou résigné...
...Mais sans la certitude
Qu'il n'y a pas de raisons
D'être activement bon ;
Avec une inquiétude...
Eh bien ! c'est ce scrupule
Qui, fut-il minuscule,
Lorsqu'il est pondéré
Par le manque à gagner,
Devient considérable !
Puisse-t-il vous donner
L'audace d'apporter
Un monde plus vivable.
Parmi les arguments,
Il y a plus convaincant...
Mais il est rationnel !
Et c'est exceptionnel !
Haïku automnal
朝霧や
消える人々
化けみたい
(asagiri ya
kieru hitobito
bake mitai)
Brouillard au matin ~
Les gens disparaissent
comme des fantômes.
Haïku estival
真夜中の
森を照らせず
蛍かな
(mayonaka no
mori o terasezu
hotaru kana)
En pleine nuit,
peinant à éclairer la forêt :
la luciole ~
Haïku estival
一つの靴と
犬寝たり
夏の小屋
(hitotsu no kutsu to
inu netari
natsu no koya)
Avec une unique chaussure,
le chien dort.
Cabane d'été ~
Haïku automnal
寺前に
鬼と僧
踊るや花火
(tera mae ni
oni to sô
odoru ya hanabi)
Devant le temple,
le prêtre danse avec les démons !
Feux d'artifices ~
Haïku estival
茶の花の
蜂唸りたり
山を摘み
(cha no hana no
hachi unaritari
yama o tsumi)
Parmi les fleurs des théiers,
les abeilles bourdonnent.
Récolte en montagne ~
Haïku estival
阿里山に
上れば永い
夏絶える
(arisan' ni
noboreba nagai
natsu taeru)
Monte à Alishan
et l'éternel été
s'interrompt.
La mort des tilleuls
(Eux qui fleuraient si bon cet été !)
Le tapis des as de pique
par dizaines, par centaines,
face blanche, face jaune,
sur les goudrons bleus ~
Géants confettis,
ils sont la célébration
de l'automne chaque année.
Ils se voient subséquemment
déchirés sous les godasses
de la multitude indifférente,
flétris par les vents,
brunis dans les flaques.
Et pourtant, chaque année,
sans jamais désespérer,
assidus, avec zèle,
ils réitèrent leur célébration.
Haïku automnal
寒空を
戦げよ樺の
黄色の葉
(samuzora o
soyoge yo kaba no
kiiro no ha)
Dans le ciel froid,
bruissez ! Feuilles jaunes
sur les bouleaux ~
Haïku automnal
露台にも
鉢にも翼果
散りにけり
(rodai ni mo
hachi ni mo yokuka
chiri ni keri)
Jusque sur le balcon,
jusque dans les pots,
les samares éparpillées ~
Haïku libre
猪の群
渡りけり
望の月
(inoshishi no mure
watarikeri
mochi no tsuki)
Après le passage
d'une harde de sangliers :
la pleine lune ~
Les hommes d'affaires
Les hommes d'affaires pressent le pas,
bien cramponnés à leur malette
pour ne pas tomber
du haut de leur inexistence.
Ils ne regardent pas les écureuils,
alors les écureuils
n'existent pas non plus.
La tradition
Tradition, tradition !
La machine ditherme
Dont les lois, dont les termes
Sont ceux de la pression,
Unit ceux qui l'enseignent
(Par ci de la chaleur,
Par là de la froideur),
Exclut ceux qui l'enfreignent.
Encore irréversible,
Sans doute adiabatique,
Sa grande mécanique
Au repos impossible !
Et toujours arbitraire.
Tradition, tradition !
De fer est la prison
De bien des congénères.
L'hétérodoxe occis,
L'hétérodoxe igné
Par tous ces indignés
Pour hétérodoxie
Aussitôt descendu
Le dernier séditieux
Du brasier judicieux,
La liesse s'atténue...
C'est pour y remédier
Que la promulgation
D'une autre tradition
Est aussitôt actée !
On voit donc arriver
D'autres rétives vies
Sur le bûcher ravi,
Le bûcher ravivé !
Ces personnes fautives
Feront du charbon pour
Alimenter le four
De nos locomotives.
Tchokelikelok tchouk,
Tchokelikelok tchouk.
Haïku automnal
肌寒や
枯葉の渦を
ガキ跳びぬ
(hadasamu ya
kareha no uzu o
gaki tobinu)
Automne glacial ~
Dans les tourbillons de feuilles mortes,
plus aucun gamin pour trépigner.
Haïku hivernal
雪上に
手袋を
置き忘れけり
(setsujô ni
tebukuro o
okiwasurekeri)
Sur la neige,
un gant
oublié ~
Haïku libre
夜に人と
獣互いに
恐れけり
(yo ni hito to
kemono tagai ni
osorekeri)
La nuit, l'homme
et la bête s'effraient
l'un l'autre !
Haïku hivernal
車の霜や
ビルの峰
朝日向
(kuruma no shimo ya
biru no mine
asahinata)
Givre sur les voitures ~
Le sommet des immeubles
est baigné d'aurore.
Haïku hivernal
枯枝の
宿木や
つぐみ聞こえず
(kare eda no
yadorigi ya
tsugumi kikoezu)
Parmi les branches mortes :
le gui ~
On n'entend pas les grives.
Haïku hivernal
冬の川
溢れて映る
朧月
(fuyu no kawa
afurete utsuru
oborodzuki)
La rivière d'hiver
en crue reflète
la lune voilée.
Daruma
Daruma, Daruma,
Génie d'outre-atmosphères,
Un beau jour culbuta
Jusqu'à nos étagères !
Daruma, Daruma,
Entends notre prière !
Quand tu l'exauceras,
Nous peindrons tes paupières.
Haïku hivernal
枯れ森の
松を鳴らせよ
けらつつき
(kare mori no
matsu o narase yo
keratsutsuki)
De la forêt morte
fais sonner le pin,
pivert !
Le vrai héros
Comme un Breton sur son rocher,
Debout et fier dans son ciré,
Face à la mer lorsque se brise
Sur son menton la vague grise,
Certain (si rare) aura l'audace
De recevoir en pleine face,
De constater, de supporter
De ce monde l'absurdité,
De ce monde l'affreuse absence
De dieu, de but, de Bien, de sens,
Sans pour autant blâmer ses pairs
Qui n'ont pas eu son caractère.
Comme un Breton sur son rocher,
Par l'eau de mer la peau séchée,
Et le visage recouvert
De sel, de l'âge et de bernacles ~
Ultime croissant
Dans les dernières bleuités de l'hiver,
le croissant blanchâtre,
oblique,
tel un ongle de gros orteil
omis sur un sol de salle de bain ~
Haïku du nouvel an
暦売り
来てお金
持ち合わせぬよ
(koyomi uri
kite okane
mochiawasenu yo)
Le vendeur de calendriers
est arrivé !
Je n'ai pas d'argent sur moi...
Haïku du nouvel an
春節の
リュウガンの種
植えれるか
(shun'setsu no
ryûgan' no tane
uereru ka)
Longanes du nouvel an ~
Peut-on planter leur noyau ?
Haïku libre
夕靄や
望月の暈
通りより
(yuu moya ya
mochidzuki no kasa
toori yori)
Nuit brumeuse :
le halo de la pleine lune
sur la rue ~
Haïku hivernal
枯れ蓮の
托どこもあり
餓鬼遊び
(karehasu no
taku dokomo ari
gaki asobi)
Partout, il y a
des têtes de lotus morts !
Jeux de gamins ~
Sa majesté
Réincarné en bulbe
(Son dernier voeu après
Que les Français inculpent
Et coupent sa te-tê),
Louis XVI rencontra
Les haricomycètes
Auxquels il proposa
D'être roi des pâqu'rettes.
La dernière maxime d'Emmanuel Kant
Merde aux huîtres !
Des avantages de la postface sur la préface
Pour ne pas gâcher la première lecture (unique et sacrée), la préface se doit de ne pas faire de révélation inopportune sur le contenu du livre.
Une bonne préface doit donc parler de tout sauf du livre. Sa rédaction est un exercice difficile.
La postface, elle, peut traiter du livre.
Finalité
Chaque texte de ce livre a pour but de transmettre une ambiance, une émotion, un décor ; d'amuser ou d'intriguer.
La lecture provoque un état similaire à l'hypnose (si tant est qu'une telle chose existe), un état d'acceptation et de sérénité dans lequel l'esprit suit docilement le texte pour créer des images et des ambiances.
Cet état, indépendamment du contenu lu, est agréable.
Beauté du premier ordre,
selon Euristophon d'Alexandrie
« On a tendance à percevoir la beauté comme le haut d'une échelle et la laideur comme le bas de cette même échelle. Il n'en est rien : la beauté est au centre de l'échelle, et la laideur est aux extrémités.
Cette échelle n'est évidemment pas unidimensionnelle, mais multidimensionnelle. La beauté est la moyenne de toutes les choses rencontrées ; elle est dénuée des rugosités particulières, qui surviennent fortuitement.
En concordance avec le modèle mental de la réalité (constitué par moyennage et induction), la beauté rassure et apaise, là où les rugosités provoquent un sentiment de micro-panique, dû à la distance inattendue
entre l'observation et le modèle. Le but de cette agitation de l'esprit est de chercher à com-prendre, c'est-à-dire produire un raisonnement qui ramènera l'élément inhabituel auprès du modèle. »
Beauté du second ordre,
selon Protaxagore de Cyrène
« Cependant, une superposition parfaite avec la moyenne (qu'on pourrait qualifier de beauté absolue) peut provoquer un certain ennui en raison de l'absence de ces micro-paniques régulatrices.
On peut prendre beaucoup de plaisir à rencontrer l'inhabituel (l'extra-ordinaire). Mais attention, ce plaisir ne provient pas de la micro-panique en elle-même : il survient lors de la résolution de la rugosité.
Une grande satisfaction vient en effet lorsque la raison triomphe de l'incompréhension. Il y a donc une beauté d'un degré second, qui se dégage du contact avec l'étrange. »
Beauté du troisième ordre,
selon Calyptomène de Syracuse
« Vous n'y êtes pas du tout.
Les canons ne sont pas médiocres. Le corps aux proportions idéales sera plus grand que la taille moyenne des hommes. L'esprit parfait sera au dessus de l'esprit du commun.
La beauté ne saurait résulter d'une mathématique aussi simple, encline à leurrer les esthètes.
La beauté est le résultat provisoire de la délibération confuse entre une multitude d'organes arbitraires, dont vos deux règles font probablement partie.
Votre plus grand tort a été de présupposer que les lois qui régissent la beauté sont elles-mêmes belles. Or rien ne l'impose. »
Formats
Les associations entre les formes employées et formats appliqués sont les suivantes : le poème en vers (métriques et rimés) est centré,
le haïku (aux trois vers de cinq, sept et cinq mores respectivement) est centré, le récit court est justifié et sans retours à la ligne au sein de ses paragraphes,
le poème en prose est fragmenté par des retours à la ligne pour imposer le rythme de lecture.
De l'importance du rythme
Même si la prose n'est pas métrique, une grande attention doit être accordée à son rythme ; elle doit sonner bien.
Comme nous sommes habitués aux rythmes binaires, majoritaires en musique, le vers imparisyllabique invite à une pause finale d'un temps avant la lecture du vers suivant.
Ainsi, le mètre parisyllabique est utile pour représenter un flot continu et inexorable,
tandis que le mètre imparisyllabique, aux nombeuses pauses, sera une opportunité de contemplation. On notera que le haïku est foncièrement imparisyllabique.
De la préemption du son
La rime visuelle disparaît au profit de la rime sonore. Dans le même esprit, l'alternance entre les rimes masculines et féminines cède aisément sa place à une alternance
entre les rimes au son consonne et les rimes au son voyelle. « Tiroir » et « fenêtre » se terminent par des sons consonnes ; « oubli » et « moment » se terminent par des sons voyelles.
Mètre multiple
Comme dans Les gnous de bois, les mètres peuvent s'alterner, à l'image des rimes. L'emploi de plusieurs mètres dans le même poème est ici permis et apprécié.
Strophe thématique
Comme dans Taraxacum ou J'ai marché avec la Lune, les vers peuvent être regroupés par mouvements narratifs,
et non plus selon les rimes.
Strophe métrique
Dans des poèmes multimètres, comme Au matin ou Les haricomycètes, le regroupement des vers
peut être basé sur le mètre local, par soucis de propreté.
Disposition des rimes et caractère
La disposition des rimes a un caractère intrinsèque. Il faut le considérer lors de l'écriture, car il a une influence sur le sens. La disposition ABBA a un ton
très conclusif, affirmatif, comme une cadence parfaite en musique. La disposition AABB a un ton calme, renvoyant à une certaine fixité. À l'opposé, la disposition ABAB est motrice, tumultueuse.
Il est préférable que la disposition des rimes (contenant) soit en accord avec le sens local (contenu).
Des limites de la torsion formaliste
Il est impoli de retourner une phrase sous la contrainte formelle (besoin de rime etc.) à tel point qu'elle perde son caractère naturel.
Ainsi, on ne peut pas transformer "Je vais absoudre les bœufs.", phrase naturelle, en "Les bœufs, absoudre je vais.",
phrase visiblement tordue par un poète tant assujetti aux règles qu'il en oublie son devoir d'esthète. L'artifice constructeur ne doit pas transparaître aussi grossièrement dans le résultat.
Et pourtant, parfois, la poésie naît d'une telle trahison.
Origine de la littérature
Et si la littérature n'était que la rencontre entre les scriptomanes et les légomanes ? Que le sujet, le style, n'étaient que des prétextes ?
Pourquoi interdire une telle rencontre ?
Dire des haïkus 1
Dans un monde obsédé par les symboles, le recueil de haïkus offre à l'âme le repos sémiologique.
Dire des haïkus 2
Dire des haïkus pour dire le monde. Le monde qui est sans qu'on n'ait besoin de le dire. Et pourtant le monde est dit.
Et il est des gens pour dire le monde.
C'est une preuve, sinon un indice, que le monde a besoin d'être dit pour autant être.
En effet, on ne dit jamais les évidences. Elles n'ont pas besoin d'être dites.
Apaisement
C'est sûr : tout ne plaira pas à tout le monde ! Toute écriture est clivante. La première lettre posée sur la papier
sépare déjà le monde en deux catégories : les admirateurs et les calomniateurs. Seul celui qui n'écrit rien
ne se met personne à dos ! Et encore...
Si ne serait-ce qu'une seule de ces images que je distribue transporte quelqu'un, j'aurai réussi mon humble pari.
Mensonge éhonté
Les haricomycètes, mentionnés dans le poème éponyme, vivent dans les touffes de trèfles. On les trouve à la campagne seulement.
L'urbanisation a causé leur raréfaction.