LA PHARMACIE AQUATIQUE

LA PHARMACIE AQUATIQUE
Écrits extravagants à l'attention des esthètes véritables

Par Roi of the Suisse
Les trilobites
Quel grand malheur Démolisseur Que cette perte En si jeune âge Des trilobites Resplendissants Et facétieux ! Terrassés donc Comme une fleur Que la chaleur Aurait ouverte Avant l’orage Se voit détruite Dans un torrent Très audacieux Mais très quelconque.
Méditation
Des galets beiges, Des galets bleus, Aujourd’hui vais-je Retourner ceux Chantant en transe, Chantant en paix, L’hymne au silence, L’hymne muet ?
Haïku hivernal
足あとの 雪にあらわる 犬のふん
(ashi ato no yuki ni arawaru inu no fun') Un pas qui, dans la neige, révèle une crotte de chien.
Phrase
Il ne leur fallut que quatre jours pour atteindre la côte.
Trains

Dans les plaines de Sibérie, vit un troupeau de scolopendres mécaniques. Ces géants fuligineux dévorent le sol en rampant à toute allure. Le vacarme sourd de leurs mille pattes articulées fait trembler l'horizon. Dans leur ventre d'acier brûle l'enfer. Ils vomissent, hurlants, des gerbes d'étincelles et de la poussière de fonte.

Leur fureur éternelle ne s'arrête que lorsqu'ils s'endorment, à l'aube.

Les haricomycètes
Les haricomycètes Racontent des merveilles À celui qui se prête À tendre son oreille. Sont-ce des plantes ou des lutins ? Honnêtement, je n'en sais rien.
Sentence latine
Ex aenigmatibus, delectatio magna.
Bashô
Voilà Bashô, L’arbre à bananes, Avec sa canne Et son chapeau !
Matsuo Basho
Un bulbe
Il est rond, amical, violet, marron. Quand on le regarde, qu’est-ce qu’on s’amuse ! Si on plantait dans la terre la tête de Louis XVI, effarée, stupéfaite, peut-être qu’il repousserait ?
Haïku hivernal
小窓から 粉雪入る 朝ねぼう
(komado kara konayuki hairu asa nebô) Par la lucarne entre un flocon de neige. grasse matinée ~
Les gnous de bois
Élevés pour Leur ébène, Les gnous, ça court Dans la plaine. Le roi Philippe Sculptera Sa propre pipe Dans leur bois.
Une idée brillante

Nous avons posé les couverts sur la table, et le temps d'aller chercher les assiettes, ils avaient disparu. Nous avons posé les assiettes sur la table, et le temps d'aller chercher une bouteille, elles avaient disparu. Nous avons posé la bouteille sur la table, et le temps d'aller chercher le pain, il ne restait plus que le haut de la bouteille. En fait, la nappe de bulgomme était très molle et tout s'enfonçait dedans.

C'est à ce moment-là que nous eûmes l'idée d'y cacher le cadavre de monsieur Rubinski.

Une époque lointainePartition
Tout l’or d’Al Kandar
On parle en Europe De l’or d’Al Kandar : Toutes les échoppes Remuent les bavards. La couronne, envieuse, M’envoie voyager Sous les nébuleuses De votre contrée... Sultan ! Contez-moi Le cosmique avoir Qu’attribuent nos rois À votre pouvoir ! Pourquoi demeurer Sous une tenture Puisqu’un palais sied À votre envergure ?
Vous vous contentez De quelques coussins ; Vous servez le thé De vos propres mains ! Je vous vois venir : « Regardez ces dunes », Allez-vous me dire, « Elles sont ma fortune. Et c’est au zénith Que, dans ce décor, Le sable crépite : Des montagnes d’or ! » Le noble vieillard S’écrie : « Abruti ! ‘Suis pas Al Kandar ! Et sortez d’ici ! »
Le mauvais disciple
Vous venez, suppliant, Demander mes épurges. Vous n'étiez pas présent À la nuit de Walburge ! Laissez-moi vous dire que Vous mangez trop d'oronges : Votre front verruqueux Dévoile vos mensonges ; Par vos biais booléens Vous donnez à vomir À ceux qui sont à jeun Jusqu'aux prés de Palmyre !
Vous cachez sous un drap Tous vos anthraconistres, Du puant précariat Vous êtes le ministre. Puisque vos mimosas Sont moussus par la peste, Je ne vous dirai pas Ce qu'a vu le vent d'Ouest.
Automnes

Les frênes, allègres de leur mort prochaine, jettent à la boue des feuilles de feu et d'or. Ils renaîtront adolescents. (cent fois encore)

Ce soir, mes amis, nous mangerons le magnifique daim volant. Avec une sauce à la bruyère.

Mes amis...

Renaîtrons-nous aussi ?

La mare gelée
Il neige. La mare est gelée. Les carpes sont figées dans la glace dans des positions improbables. C'est un spectacle impeccable pour celui qui est allongé au fond.
Partition
Madame Walmond
Aux pierres Des ruines, D’infâmes Buissons Lancèrent Racine. En flamme Mettons Ce vert Vermine, Ce drame Marron ! Qu’on blâme Ces troncs ! Qu’on crame Ces scions !
C’est clair, Ces vignes Réclament Tison : Le lierre Chagrine Madame Walmond.
Tchou-tchou !
Que j’ai mal dormi En première classe... Les rouges tapis Étouffent la place ; (Ils sentent les années mil neuf cents) Les fauteuils de cuir Agrandis pour l’aise Ont l’air de me dire Que je suis obèse Tels ces patrons ronds Aux dames parées De plusieurs mentons Comme des colliers. (Des crapauds à plumes autour d’une mare de thé)
Un fils de rentier Crie des prosaïsmes Dans un combiné Plein de modernisme Jusqu’à ce qu’un vieux Lui fasse requête D’un « chhhht » coléreux Sans lever la tête. (Il travaille dans le train depuis maintenant trois heures) Vient un Africain. De New-York il plie Le grand quotidien. Lettré swahili ? Il a un manteau Taillé dans un zèbre Et un air idiot. Un rappeur célèbre ?
(Il met de la cocaïne ou du sucre dans son café) Un enfant bébête Glousse, chante et rit. Sa mère rouspète, Voilà qu'il gémit. Un noble bannit Deux jeunes qui laissent, Debout devant lui, Sous son nez leurs fesses. (« Les gens sont tendus ce soir », marmonne l'Africain) Le conducteur dit : « Creupreudreutreupreutre - Gare de Massy - Vreutreufreucreutreutre. »
La jeune fille aux cèpes
Il y a un chemin courant vers la forêt ; Honteuse y disparaît la brume du matin. Indifférente aux guêpes, elle attend, adossée, Balançant un panier emporté pour les cèpes. Dans l'attente de quoi ? Ira-t-elle en cueillir ? Car je sais qu'elle (ouï-dire) hait ces champignons-là.
Le flan aux épices
500 grammes de farine 6 oeufs 1 sachet de sucre vanillé 1 litre de lait 1 sachet de levure chimique 2 cuillères à soupe d'huile
Ah le petit enfoiré
Attrapez le Ragoustapatte, Qui court - l'affreux ! - Sur ses deux pattes ! Dans son terrier Il va s'enfuir Et emporter Mes souvenirs !
Haïku libre
白川や ある木の匂い まだ知らず
(shirakawa ya aru ki no nioi mada shirazu) Sur les bords de la Shirakawa, il y a un arbre dont l'odeur m'est encore inconnue.
Haïku automnal
橋の下 時雨上がりを 待つ五人
(hashi no shita shigure agari o matsu gonin') Sous le pont, cinq personnes attendent la fin de l'averse d'automne.
Le trésor de Kabeuth-Pot

« Sachez que je lui donne toute ma confiance, mon cher monsieur Lampetoque.

– Sauf votre respect, capitaine, je pense que vous ne devriez pas offrir votre précieuse confiance à cette créature.

– Ce lutin des enfers nous a donné sa parole !

– Mais il est écrit dans le manuel du bateau que les lutins des enfers ne tiennent jamais leurs promesses, capitaine.

– Le manuel du bateau, mon cher monsieur Lampetoque, c'est pour les mauviettes. Quand cet épais brouillard se dissipera, nous nous trouverons dans la salle du trésor de Kabeuth-Pot et nous serons heureux jusqu'à la fin de nos jours.

– Je crains hélas que c'est en enfer que nous arriverons, capitaine. »

Le capitaine et monsieur Lampetoque
La rive est l'arrivée
Le bateau, dans ces eaux, saute, les fend. Phares en vue ! Le bas, tôt, danse et zozote les fanfares en vue. Le haut est occupé à guetter. Après le ohé, toque huppée ! Ah ! gaîté âpre ! Et, levant des verres, se serrant : cœurs allègres. Le vent déverse ses rancœurs sales, aigres. Chaque hunier tend d'or mille cordes dans ces souffles, chacune y est endormie. Le cor, dedans, s'essouffle...
La grande fête de la saint Glinglin
La grande fête de la saint Glinglin est une très ancienne tradition. Il s'agit du dernier jour des calendes grecques, qui ont lieu au cours du mois embolismique de mercédoin. « Glinglin » évoquant le tintement des cloches, la saint Glinglin signifie « quand les cloches sonneront ». À la nuit tombée, tous danseront autour du grand feu dans lequel saint Glinglin sera porté. Ce n'est qu'un ample fantoche de paille, comme chaque année. La fumée s'élèvera au dessus des rires et des violons pour se fondre dans le ciel noir. Puis les cloches sonneront la fin des solennités.
Le bugle
Il utilise un bugle pour énerver les gens. Il l'attache à la corde grossière qui tient son pantalon de toile verte, et va de par les rues. Hier, il a soufflé dans son bugle pour énerver monsieur le préfet. Monsieur le préfet a déclaré : « diantre, que c'est énervant. »
Escobarderie
On m'a joué un tour d'une mesquinerie sans pareille. Quand je me suis levé ce matin, quelqu'un avait posé au sommet de chaque brin d'herbe une goutte d'eau. Je ne connais pas l'auteur de cette infâme espièglerie, mais son forfait a dû lui prendre toute la nuit.
Au matin
Délicatement posée Sur la bande gazonnée, Une poire Lisse et noire, À l’œil jaune, Au bec jaune, Tourne la tête et s'envole !
Campement
Les chiens s'étaient installés en haut de la colline.
Insouciance
Elle ramassait les coquelicots pour en faire des tartes, ce qui, bien évidemment, navrait profondément monsieur l'abbé.
Injonction de nature scientifique
Mesurons le temps en lustres et les instants en candelas.
L'apparition du daim volant

« Messire, regardez ! Le daim volant !

– Mais vous avez raison, mon brave Philibert ! C'est le daim volant ! Le magnifique daim volant !

– Celui-là même qui est immatriculé 21, Messire !

– Passez-moi le tromblon, Philibert ! Il fera très bien au dessus de la cheminée.

– Messire, vous ne pouvez pas le tuer !

– Et pourquoi pas, Philibert ?

– Parce que je l'aime, Messire !

– Vous aimez ce daim, Philibert ?

– Oui, Messire.

– C'est vrai qu'il est beau. Et bien tant pis. Nous reviendrons le tuer demain.

– Avec joie, Messire ! »

Et ils s'en allèrent.

Taraxacum
Une procession Surgit de derrière. Le premier larron, Sans un commentaire, Gonfle son pébroque Et saute du roc. Le vent le charrie Au loin dans le ciel. Le deuxième aussi Ouvre son ombrelle, Se jette et nous quitte. Et ainsi de suite...
Toute cette file À l'aspect fantasque Vole, s'entortille Au gré des bourrasques, Se fond dans les nues. Ça y est. Je ne les vois plus.
Aux Indes
Que voulez-vous que je fasse de ces dix-huit brahmanes ? Je n'en ai jamais eu l'usage.
J'ai marché avec la Lune
J'ai marché avec la Lune, On est devenus amis : Je courais après l'automne, Il se trouvait qu'elle aussi ! Cheminant, je l'ai fait rire ; Je l'ai aussi taquinée. Mais la veille de partir, Ell m'est tombée dans les bras, Me confiant tous ses malheurs, Me montrant sa face en pleurs, Que les autres ne voient pas ; Et je ne pus qu'acquiescer. Quand je la vois aujourd'hui, Je connais son infortune. J'ai marché avec la Lune, On est devenus amis.
La LunePartition
Partition
Futuriste
En l'an deux mille mille, l'argile avait anéanti le monde.
Collisions
Bashô : un bulbe ? Les gnous de bois : une idée brillante ! Tout l'or d'Al Kandar le mauvais disciple. Le flan aux épices ! Ah le petit enfoiré ! Le bugle : escobarderie. Au matin, campement. Insouciance : injonction de nature scientifique. Aux Indes, j'ai marché avec la Lune futuriste. Collisions : le retour de la poire ~
Le retour de la poire
Je t'ai revu, sacré oiseau !
Haïku automnal
熱風や 大学の イチョウ輝く
(neppû ya daigaku no ichô kagayaku) Vent chaud ~ À l'université, le ginkgo étincelle.
Est-ce un pique-nique raté pour autant ?
Les fraises ont été mangées par l'ours affamé.
Aquarelle
AmbiancePartition
Réflexion sur le pique-nique

Le pique-nique est une des situations dont le cas idéalisé est le plus éloigné du cas réel.

Aquarelle
Le bois du daim volantPartition
Les papillons maléfiques
Papillons noirs, Noirs de suie, D'ébène et de fumée. Derrière la vitre, Je vous regarde passer Car je sais que vous transportez La malédiction De quelque sorcière amoureuse.
Ginkgo Biloba (d'après Goethe)
La feuille d'arbre, qui par l'Est À mon jardin fut concédée, Donne à goûter un sens secret, Qui au savant est manifeste. S'agit-il d'un être vivant Qui s'est scindé en deux folioles ? En sont-ce deux qui se recollent Tant qu'on y voit qu'un élément ? Pour démêler un tel mystère J'ai trouvé la bonne façon : Ne sens-tu pas à mes chansons Que je suis double et unitaire ?
Aquarelle
Comptine stupide
Un, Deux et Trois marchent en Australie. « N'avancez pas ! » Le forestier leur dit, « L'ours écraseur Se jette sur celui Qui par malheur Chemine sous son nid ! » Un, Deux et Trois Se moquent bien de lui, Vont dans le bois Pour y passer la nuit. Un est cueilleur : Il part chercher des fruits... L'ours écraseur Tombe soudain sur lui ! « Ça fait déjà Longtemps qu'Un est parti ! »
Seuls, Deux et Trois En attendant s'ennuient. Deux est porteur : Il part chercher un puits... L'ours écraseur Tombe soudain sur lui ! « Un jour déjà Un et Deux sont partis ! » Seul au camp, Trois En attendant s'ennuie. Trois est chasseur : Il part chercher des pies... L'ours écraseur Tombe soudain sur lui ! Un, Deux et Trois Sont morts en Australie. Ils n'avaient qu'à Aller en Picardie.
Haïku libre
湯落ちたり 茶で思い出す 遠い国
(yu ochitari cha de omoidasu tooi kuni) L'eau chaude tombe sur le thé et je me remémore un pays lointain.
Rêveries d'une kokeshi
Mignonne kokeshi Posée sur le piano, Emplis de mélodies Ton rouge kimono. Jamais ne les oublie, Sache les chanter haut Pour trouver en mari Un bel akabeko !
Aquarelle
Hahaha
Bons camarades, Rions gaîment Des bouffonades De l'ours dansant ! Son minuscule Accordéon Est ridicule, Applaudissons ! Et reprenons du flan ~
Aquarelle
Enthousiasme
Cet hiver, au jardin botanique, les passionnés viennent du monde entier pour observer rutabagas et autres tubercules de précision.
Avril
Avril est un mois de fête Pour les haricomycètes : Ils ouvrent les pâquerettes, Les pissenlits, les violettes !
Réflexion sur le livre

Il y a un avantage bien souvent négligé à acheter un livre qu'on a déjà : c'est qu'on n'a pas besoin de le lire.

ソディウム灯を 通り過ぎれば 化け女 夏の夜には 笑うかな
(sodiumu tô o toorisugireba bake on'na natsu no yoru ni wa warau kana) Si tu passes dans la lumière des lampes au sodium, la femme fantomatique rira peut-être dans la nuit d'été.
La nana de sodium
Le guitariste
En longeant les hêtres Que vingt lampadaires Peinent à faire être, Je reviens d'hier. Dans l'obscurité, Chaleureuse, orange : La sérénité, Silencieuse, étrange. Et, me ressassant Quelques apophtegmes D'un ami savant Dictés avec phlegme,
J'entends un bonhomme Qui chante à la nuit « Nana de sodium ! » Je chante avec lui. Peut-être a-t-il cru Les énergumènes Disant l'avoir vue ? Légendes urbaines...
Le camelot
Un bouquet de fleurs de trèfles, Un panier d'odeur de nèfles : C'est tout ce qu'a dans ses mains Le vendeur de rien ! Il mettra dans ta bassine Du vent, des trous de narines, Deux oublis, quatre lacunes, Des sornettes et puis des prunes. Il mettra dans ta besace Des pipeaux, beaucoup d'espace, Quelques mots, de la poussière, Un fantôme et trois chimères.
Quand tu rentreras chez toi, Furieux, tu t'apercevras Que tu es dépossédé, Que tes poches sont percées. Un bouquet de fleurs de trèfles, Un panier d'odeur de nèfles : C'est tout ce qu'a dans ses mains Le vendeur de rien !
Haïku libre
職道や 探鳥爺の 鷺話
(shokumichi ya tan'chô jiji no sagi hanashi) Le chemin du travail ~ Un pépé amateur d'oiseaux me parle d'un héron.
Haïku estival
へきれきよ 父子走り出す 夏の雨
(hekireki yo fushi hashiridasu natsu no ame) Coup de tonnerre ! Un père et son fils se mettent à courir. Pluie d'été ~
Haïku estival
日の下で 傘咲きにけり 波の音
(hi no shita de kasa saki ni keri nami no oto) Sous le soleil, les parasols ont fleuri ! Le bruit des vagues ~
Haïku libre
煌めきに なった湖面の 白詐欺か
(kirameki ni natta komen' no shirosagi ka) Serait-ce en scintillement que s'est changé, à la surface du lac, le héron blanc ?
Haïku libre
睡蓮に 小魚跳ねる 助けなきゃ
(suiren' ni kozakana haneru tasukenakya) Sur les nénufars, un petit poisson sautille ! Il faut l'aider !
Haïku libre
事務室に みなを騒がす 白子鳩
(jimujitsu ni mina o sawagasu shirakobato) Au bureau, tout le monde est dérangé par cette tourterelle.
Haïku libre
森道や やっと見つけた 蓮の池
(mori michi ya yatto mitsuketa hasu no ike) Chemins de forêts ~ J'ai enfin trouvé l'étang aux lotus !
Haïku libre
赤リスを 伝おう森の 出口まで
(akarisu o tsutaô mori no deguchi made) Suivons les écureuils roux jusqu'à la sortie de la forêt !
Haïku libre
今朝バンド 上手になるぞ 柳川
(kesa ban'do jôzu ni naru zo yanagi gawa) Ce matin, l'orchestre s'améliore ! La rivière aux saules ~
Haïku libre
天壇や 神湯沸しと 見紛うか
(ten'tan' ya kami yuwakashi to mimagau ka) Le temple du ciel : les dieux ne le prendraient-ils pas pour une théière ?
Haïku libre
太鼓塔 人の心に まだ響く
(taiko tô hito no kokoro ni mada hibiku) La tour aux tambours résonne encore dans le cœur des gens.
Haïku libre
優女 この葫蘆に似る 久しぶり
(yasa on'na kono koro ni niru hisashiburi) La femme attentionnée ressemble à présent à cette calebasse ! Comme le temps passe vite !
Haïku libre
あの富で 喜ばないね 鉢魚
(ano tomi de yorokobanai ne hachi zakana) Cette fortune ne semble pas les réjouir... Les poissons de la vasque ~
Haïku estival
この塚の 蘭や林逋の 最後の句
(kono tsuka no ran' ya Rin' Po no saigo no ku) Sur le tertre, une orchidée ! Voilà le dernier vers de Rin Bu.
Haïku automnal
木の下で 雨まだ降るよ 秋の朝
(ki no shita de ame mada furu yo aki no asa) Sous les arbres, la pluie tombe encore ! Matin d'automne ~
Haïku automnal
帰ったぞ 私の通り 栗だらけ
(kaetta zo watashi no toori kuri darake) Je suis rentré ! Ma rue est couverte de châtaignes.
Haïku libre
探された 小包庫へ 道を聞く
(sagasareta kodzutsumi gura e michi o kiku) Je demande mon chemin dans l'entrepôt de colis que je cherchais !
Haïku libre
狸だよ いや一介の 岩だなあ
(tanuki da yo iya ikkai no iwa da naa) Un tanuki ! Ah... non... c'est juste un rocher.
Au lever
Courant sur l'horizon, le Soleil transperce le bosquet de ses flèches blanches. Convoite-t-il la chair (ou la toison !) du magnifique daim volant ? Il n'aura finalement que des pies et des lapins. De rage, il assassine le Givre et la Brume, qui rampaient derrière un buisson.
Au coucher
Le jour s'est déjà retiré, mais la nuit n'est pas encore là. L'office du crépuscule a même été délégué à un pamplemousse. Les poules d'eau se sont toutes réunies pour dire adieu au dernier lotus. Sauf Quéquette, la plus étourdie des poules d'eau, qui s'est coincée dans une ornière.
Sous-bois
Le silence des mousses, Le murmure des terriers ; Les ragoustapattes S'apprêtent à hiberner.
La pire biographie de Napoléon Bonaparte verset 1
Ne désirant plus rien, ni la splendeur de Guy Lux, ni les baies faisant ployer nonchalamment la branche morne du houx, le fracas transfigure enfin pleinement toutes les malversations commises en secret par les hauts-fonctionnaires et leurs récipiendaires. Quelques oiseaux bleus jaillissent de la canopée vagabonde pour rejoindre l'aurore azimutale. Saturne lui-même ne sait plus où il a bien pu égarer son retable d'argent. Seul un pommier embourbé sur le chemin que nul n'emprunte se souvient l'avoir vu l'enterrer non loin de là. La planète se rendort en maugréant des imprécations dans son nébuleux édredon. Une jurisprudence nous éclairera samedi ; en attendant, que chacun orne sa table basse d'une bougie pastel en souvenir des souliers pimpants de Stanislas.
La pire biographie de Napoléon Bonaparte verset 2
Oubli suave, rond et juteux, unique fruit de l'échiquier, déchiqueté par les vautours avides qui tournent sans fin dans l'azur perçant du Colorado ! Tes grains donneront des légumes pour plus d'un siècle de récoltes. Les ratons paisibles du bocage en auront pour eux aussi. La femelle en prémâchera pour ses petits, qui sont blottis au fond du terrier. Idem pour les spéléologues.
Haïku automnal
タバコ爺 犬を責めたり 朝の霜
(tabako jiji inu o semetari asa no shimo) Un vieux fumeur dispute son chien. Givre au matin ~
Haïku automnal
秋嵐 屋根を揺る皆 目覚めらず
(aki arashi yane o yuru mina mezamerazu) La tempête d'automne secoue le toit ; personne ne se réveille.
Haïku automnal
老婆たち 墓を片付く 嵐後
(rôba tachi haka o katadzuku arashi ato) Les vieilles mettent de l'ordre parmi les tombes après la tempête.
La pire biographie de Napoléon Bonaparte verset 3
Vortex effréné, vortex abyssal ! Qui de Patagonie n'enviera pas ton carousel ? Je n'en connais tout simplement pas. Sur les collines, sous les collines, dans les collines... Les feux follets méphistophéliques fixent les égarés. Gare à vous ! Druides géothermiques et gnomes farouches bondiront jusqu'à trouer le sol. Frénésie sélénite si décriée par les notables (qui n'en foutent pourtant pas une !) Les moines tubulaires, eux, feignent de ne rien savoir de tout cela, et des psaumes sifflantes continuent de dégouliner par l'unique orifice de leur tête de métal. Quand nous les frapperons, ils éclateront comme des vases d'eau chaude. Mais pour l'heure : patience.
Haïku hivernal
木の霜や 自分の庭の 面忘れ
(ki no shimo ya jibun' no niwa no omowasure) Ah, le givre sur les arbres ! Mon propre jardin me semble inconnu.
Haïku libre
どしどしよ 駅が混んでる 星なき夜
(doshidoshi yo eki ga kon'deru hoshi naki yo) Tap tap tap tap, la gare est encombrée ! Nuit sans étoiles ~
Haïku hivernal
枯れたから 木の頂の 巣見にけり
(kareta kara ki no itadaki no su mi ni keri) Comme il est mort, l'arbre, à son sommet, donne à voir un nid.
Haïku libre
白樺に 黒菱形の 乱舞かな
(shirakaba ni kuro hishigata no ran'bu kana) Sur le bouleau blanc, la danse folle des losanges noirs ~
Haïku libre
大将の 像の右頬 苔むして
(taishô no zô no migi hoho koke mushite) La statue de l'amiral a sa joue droite mouchetée de lichen !
Haïku libre
愛される 喜び星を 潤ませる
(aisareru yorokobi hoshi o urumaseru) La joie d'être aimé mouille et trouble les étoiles ~
Haïku printanier
シャッターを 通る若葉の 光かな
(shattâ o tooru wakaba no hikari kana) Au travers des volets, scintillent les jeunes feuilles !
Haïku printanier
朝焼けや 昨日あったか 松ぼくり
(asayake ya kinô atta ka matsubokuri) Aurore ~ Étaient-elles là hier, les pommes de pin ?
Haïku printanier
春の朝 丘のタンポポ 集まって
(haru no asa oka no tan'popo atsumatte) Matin de printemps ~ Pissenlits sur la colline, rassemblez-vous !
Hom' de paille
Hom' de paille ! Hom' de foin ! Né des tailles, D'herbes plein, Tes entrailles Ont le grain Des broussailles Du chagrin. Hom' de paille ! Vois ta fin : Les semailles En ton sein Germeront, Sortiront, Fleuriront Les chardons D'un nouvel été ~
Dans la lande d'été
Dans la lande d'été, Au soir, ni chevaliers, Ni le dragon d'acier ! Par delà les avoines, On voit les caravanes D'une halte gitane... Don Miguel, sur sa souche, Est le roi des manouches Car son nocturne abouche Au feu ceux qui s'égarent, Pour parler, pour s'asseoir, Au son de sa guitare. Des confins du néant, Vrombit le crissement Des criquets stridulant Dans la houle de l'herbe. Fascinant les ténèbres : Leur liturgie superbe.
Haïku libre
木の中に 鳥案じない 選挙の夜
(ki no naka ni tori an'jinai sen'kyo no yo) Dans l'arbre, les oiseaux ne s'inquiètent pas ! Soirée d'élection ~
Haïku estival
枯れ枝に でで虫かかる 夏野かな
(kare eda ni dedemushi kakaru natsu no kana) À la branche morte pend un escargot. La lande d'été ~
Haïku estival
夏丘や 放られた墓の とかげ寝る
(natsu oka ya horareta haka no tokage neru) Colline d'été ~ Sur les tombes délaissées dorment des lézards.
Haïku libre
教会の 穴に入ったり 四十雀
(kyôkai no ana ni ittari shijûkara) Une mésange entre dans un trou de l'église.
Haïku estival
オランダも 柳堀江に 焼けりけり
(oran'da mo yanagi horie ni yakerikeri) Même les Hollandais sont venus au canal aux saules pour bronzer !
Ah !
Tu as ri de ce qu'on ne va ni au ru où tu as lu un nô en wu en un an et où tu as su us et dô du Li, ni au ru où tu as bu un ay et un to, où tu as vu ci et ça : un aa, un if in, un aï mu du ba, le do, le ré, le mi, le fa, le la et le si du ud en ut, un ex-as ès go né nu, et où tu as eu de ce bi-là un dé et un os en or. Eh ! Fi de ce ru-ci ! Fi de ce ru-là ! Et fi de ce bi ! Na !
Haïku automnal
ストーブを 駅長据えた 河口湖
(sutôbu o ekichô sueta kawaguchiko) Un poêle a été installé par le chef de gare au lac Kawaguchi.
Haïku automnal
枯れ葉の重さ むねを打つ 秋の風
(kareha no omosa mune o utsu aki no kaze) Vent d'automne ~ La lourdeur d'une feuille morte heurte ma poitrine.
Haïku libre
空色も 松樹皮色も カケスかな
(sora iro mo matsu juhi iro mo kakesu kana) Tout de ciel vêtu et d'écorce de pin : ah ! le geai !
Haïku libre
今朝カモメ 池から鷭を 追い出した
(kesa kamome ike kara ban' o oidashita) Ce matin, les mouettes ont chassé les poules d'eau de l'étang.
Haïku libre
ぱちぱちと 鴨池に 一着になる 鷭最後
(pachipachi to kamo ike ni icchaku ni naru ban' saigo) Clap clap ! et les canards sont à l'eau les premiers ! Les poules d'eau en dernier.
Madam' Pipi
Il est minuit, Madam' Pipi A fait pipi. - Tuyauterie - Et ses talons Tant de bruit font Sur le plafond ; Nous somnolons. Il est minuit, Madam' Pipi Clôt la soirée D'un menuet Jouant de ses Volets rouillés. Il est minuit, Madam' Pipi !
Haïku hivernal
初雪や 森のぽろぽろ コマドリに
(hatsuyuki ya mori no poroporo komadori ni) Première neige ~ Le plic-ploc de la forêt sur les rouges-gorges.
Chez le marquis,
un mesclun modeste en apparence. Toutefois, les amateurs de salade reconnaîtront le raffinement d'une roquette parcimonieuse et l'éloquente fraîcheur des feuilles aldines.
Haïku hivernal
紺ずきん 枯れ木のリスを 探すらむ
(kon'zukin' kareki no risu o sagasuramu) Le petit chaperon bleu semble chercher des écureuils parmi les arbres flétris.
Haïku hivernal
夜帰り 灯で雪見える 二三片
(yoru gaeri hi de yuki mieru ni san' pen') Retour tardif. Un lampadaire fait voir la neige : deux-trois flocons.
Haïku hivernal
寒空の 上に渦巻く 煙の香
(samuzora no ue ni uzumaku kemuri no ka) Par delà le ciel d'hiver tournoie le parfum de la fumée.
Haïku hivernal
ウタドリ迷う 草白し 冬日和
(utadori mayou kusa shiroshi fuyubiyori) Le merle, perplexe dans l'herbe blanchie. Calme jour d'hiver ~
Haïku hivernal
氷ってた泥 靴をもう 汚せない
(kootteta doro kutsu o mô yogosenai) Gelée, la boue ne souille désormais plus mes chaussures.
Haïku hivernal
苔だけの 緑や鴨の 池うねる
(koke dake no midori ya kamo no ike uneru) La mousse comme seule verdure. Un canard fait onduler l'étang.
Haïku hivernal
鼻垂れて 初水仙に 気づきけり
(hana tarete hatsu suisen' ni kidzukikeri) La goutte au nez, je remarque les premiers narcisses.
Illusion
Grondent les nuages zinzolins de pluie chaude, lisse et douce qui roule sur la peau. Grondent les tonnerres insolents, les tonnerres entêtants, zinzinulant. Ils grondent tant et tant et tant que les cigales se sont tues, que l'on n'entend plus le Soleil ! Que l'on n'entendait même plus le triomphe des Cèdres. L'irréel, si saisissant ; et le réel, si lointain ~
Inari
Inari, Inari, Pourquoi donc de renard Te changer en jolie Et troubler un vieillard ? Puis répandre le bruit Qu'au seuil du Shinnyo-dô Auraient été enfouis De l'or et des cadeaux ? Inari, Inari, Malicieuse déesse ! Tant de dupes ravis Vers tes marches se pressent Jusqu'au mont Yoshida Pour y mettre une pièce, Pour y sonner le glas De tes belles promesses ! Inari, Inari, Ah ! Je serai l'un d'eux !
Raoutas
Au milieu de la nuit, Tu gratt' à ma fenêtre. Est-ce que c'est, peut-être, Pour être mon ami ? Je ne suis pas un monstre Comm' toi, Le nain, Ou le crocodile. J'ai autre chose à faire. Je reviendrai vers toi Quand je serai un monstre. Ce n'est pas très sympa, Mais grand comme est ton cœur, Tu me pardonneras. Au milieu de la nuit, Tu gratt' à ma fenêtre. Est-ce que c'est, peut-être, Le seul son de la pluie ?
Voici ce que je dirais
Le rire et la colère Sont de la mêm' nature : Le rire est la colère Avant qu'ell' ne soit mûre. Quand il voit des clochards, Le sot marquis se marre, Mais c'est que son esprit Voit une anomalie : S'il était insensible, Il serait impassible. Quand il voit les clochards, L'humaniste en a marre, Parce qu'il a compris D'où vient l'anomalie : C'eût été illisible, Ç'aurait paru risible.
Une graine est le rire Qui parfois devient ire Lorsque l'on prend le temps De questionner "comment ?" Et qu'après examen, Une injustice point. Quand ce n'est pas la peine (Et c'est souvent le cas), La graine reste graine. Méfions-nous toutefois : Le rire et la colère Sont de la mêm' nature : Le rire est la colère Avant qu'ell' ne soit mûre.
La cage (conte moderne)

Harry Glumberger (le milliardaire) voulait posséder l'oiseau. Alors, pour quelques millions, il fit mettre l'oiseau en cage.

C'était un jeune mâle au plumage noir brillant. Mais l'oiseau désirait revenir à la forêt. Au bout de quelques jours, l'oiseau mourut, et Harry, voyant qu'il le possédait enfin tout à fait, gloussa dans sa morve :

« Hrnuhreuhreuhrnueuk ! Hrnrrk. »

Le vase (conte moderne)

Ding dong ! C'était le percepteur des impôts.

Steeve s'empressa de cacher sa nudité dans le premier vase qui lui vint (en l'occurrence, un Ming). Mais il resta coincé dedans.

Le percepteur des impôts, qui, par son métier, avait l'habitude de rencontrer ce genre de situations, l'aida à essayer de s'en extraire. Mais ce fut en vain.

Sel de table
Ah ! le sel ! Dont l'odeur n'est autre que celle De la pâte à sel ~
La mystique
Dans la forêt, les monts se fendent Et sur les marches du sentier Des eaux limpides se répandent. Elle est assise, à psalmodier. Et sur les marches du sentier, Interloquant les promeneurs, Elle est assise à psalmodier Une ode abstruse avec ferveur. Interloquant les promeneurs De ses cheveux, qu'a tôt blanchis Une ode abstruse avec ferveur (Car c'est l'effet de la magie). De ses cheveux, qu'a tôt blanchis L'abus de sorts, se mure-t-elle ; Car c'est l'effet de la magie Que la retraite solennelle.
L'abus de sorts (se mure-t-elle ?) Vite s'oublie : rien ne vaut plus Que la retraite solennelle Pour communier. Et l'assidue Vite s'oublie. Rien ne vaut plus Que la chanson conviant les gnomes Pour communier. Et l'assidue Chuchote aux arbres, aux fantômes, Que la chanson conviant les gnomes « C'est un secret ! » Ell', qui rêvasse, Chuchote aux arbres, aux fantômes, Leur tend la pomm', la poire... Hélas C'est un secret ; ell', qui rêvasse, L'ignore aussi ! Ell', qu'ils n'entendent, Leur tend la pomm'. La poire, hélas, Dans la forêt, les monts se fendent.
Oisillon
J'ai vu un oisillon Voler comme une noix, Petit comme une plume Au vent ~
La menthe
De tous les évangiles, Ceux qui jamais ne mentent Annoncent de concile Le retour de la menthe. Morte en pot l'an dernier Sans feuilles ni pétales, Elle est ressuscitée Quand vient l'aube pascale. Et l'espoir de renaître Dans la race des hommes ! Sa verdeur de promettre Taboulés en quorum !
Poème volé à Jean-Stéphane Valflorain
Ce matin, les fleurs étaient belles Comme les ténèbres qui séparent mes pieds, L'obscurité des marées, moi, l'autre. Un autre hémisphère... Alors tant Pis pour son cœur ! Se lassant de sa loi, sublimes, universels, immenses, S'en vont : - poètes - les phénix des siècles, fuyant L'ornement, et nous-même avec Raison. Que dire ? Et la gloire vient Pour des donneurs de victimes : dix nuits sans Voir en tourbillons (dans ces instincts) Ces fruits tombés du soleil amer ~
Poème volé à Jean-Stéphane Valflorain 2
C'est à l'orée du bois que tant De vivants piliers laissent parfois Sortir toutes ces sphères éclatantes Dans l'air supérieur, et disent Fort aise : « eh bien volontiers ! » De neige, Petit prince des albatros vastes, Chagrins, qui sait en son nez que sa loi Sublime oppresse, répandant Devant lui les rayons dont la bleuité Délire et pour moi luit. C'est fort Aise, eh bien, si un lion vient d'y croire, Mais je veux peindre ce que je sens de nonchalance !
Meditation
Pebbles are blue, Pebbles are brown. Today will you Put upside down Those that—in trance— Hymn quietly —Hymn stance by stance— The mute ditty?
Urbanisme

Qu'au détour de chaque rue soit planté un lampadaire ! La radiance du sodium doit couvrir le ciel nocturne. Il ne faut pas que les gens de la vile vile ville aperçoivent l'univers. Ils en perdraient la raison.

Qu'on s'affaire à déclarer le chien meilleur compagnon que l'homme n'ait jamais eu ! Il ne faut en aucun cas qu'en la vile vile ville on détourne son regard des trottoirs, qui devront désormais être parsemés de crottes. Si jamais ils levaient le nez, ils pourraient voir les étoiles. Cela les tuerait.

Poème volé à Jean-Stéphane Valflorain 3
Quand vient la nuit, marchent longtemps mes sens De leur chaste regard - très fiers, certes - de paix. Dans la mer qui pue, moi ainsi Que d'autres tyrans flattés, tout n'est Qu'ordre et beauté, luxe, calme des lèvres. Que n'ai-je vu ? Le soleil ? On borde Un suaire épais, fileur Éternel d'un loup en deuil, échouant Dans sa vaste carrière antique. Autour de ceux-là, qui vont flottant, Légers, avec des bois : des amants ! Les mouches De sainte-croix rabaissent leur loi.
Poème volé à Jean-Stéphane Valflorain 4
Pourquoi la terre, vil monceau de boue, Et la pluie ont-ils fait « oui » dans les cieux ? De blanches voiles. Qui êtes-vous ? Un étrange Maître corbeau honteux ? Et les attraits, Servent-ils aux dépens de quelque gendre ? Un triomphe abhorré, mais j'étais Insoucieux de ses boyaux, que la mort va Fermer pour faire subsister l'homme qui se met À babiller un tel ravage. Il ne vous servira pas Si vous faites sonner vos cheveux ! Des écumes de neige. Petit morceau de main ~
Dieu

Dieu tout puissant, surpuissant, proclama :

« Quelque part dans l'univers, il y a un grain de sable. »

Dieu tout puissant, surpuissant, proclama :

« Quelque part dans l'univers, il y a une jeune fille qui va chez le fleuriste pour elle-même. »

Dieu tout puissant, surpuissant, proclama :

« Quelque part dans l'univers, il y a un grain de sable. »

Et cetera.

Acacias
Sous les blanches frondaisons, S'écoule à flots éternels De devoir, de foi, de zèle Le cantique des bourdons. Béni des grappes du temps Pour un vœu fait dans les airs, Ce langage de lumière Exalte l'âme en boitant.
Jugement
Pour celui ou celle Qui dit posséder Une vérité Qui soit simple ou belle, Le procès est prompt. Je vous le résume : Tremper dans les plumes Après le goudron.
Haïku estival
窓際の寝や 風そよぐ 夏木立
(madogiwa no ne ya kaze soyogu natsu kodachi) Sieste près de la fenêtre ~ Le vent bruisse dans le bosquet d'été.
Haïku estival
詰め草の 花を這い回る蜂かな
(tsumekusa no hana o haimawaru hachi kana) Sur la fleur de trèfle tournicote une abeille.
Hommage à Edmond Bukre
Matin d'automne au temps mucre. Marchand de fraises qui sucre Ses fruits puis les vend. ■ Lucre. En son nid dort un volucre ; La noisette, en involucre.
Haïku libre
見えぬ牛の鐘鳴ったり 天の川
(mienu ushi no kane nattari ama no gawa) Les cloches tintent de vaches que je ne vois pas. La voie lactée ~
Haïku estival
わがテントに近づくらむ 夏嵐
(waga ten'to ni chikadzukuramu natsu arashi) Il semble de plus en plus proche de ma tente, l'orage d'été.
Haïku estival
ごろごろと ぼたぼたや テントに徹夜
(gorogoro to botabota ya ten'to ni tetsuya) Le tonnerre gronde et la pluie pétarade ! Nuit blanche dans ma tente.
Ah zut ! J'ai raté le lundi, et on est déjà mardi ! J'aurais dû mettre mon minuteur... J'ai un minuteur en forme de petite tomate. Il tourne sur lui-même en tictaquant, puis fait
DRRRRRING !
Haïku estival
鷭も 蓮池に来にけり バイクにサドル
(ban' mo hasuike ni ki ni keri baiku ni sadoru) Même les poules d'eau sont allées à l'étang voir les lotus en fleur ! Vite, des selles sur les vélos !
Haïku libre
朝霧や 塔の頂 まだ見えぬ
(asagiri ya tô no itadaki mada mienu) Brouillard matinal ~ Le sommet du clocher n'est pas encore visible.
Haïku hivernal
疾走し 雪を抱える 子供かな
(shissô shi yuki o kakaeru kodomo kana) Un enfant court à toute vitesse, tenant de la neige dans ses bras ~
Haïku estival
色々な 色の生花や 蝉歌う
(iroiro na iro no seika ya semi utau) De toutes les couleurs sont les fleurs des champs où chantent les cigales !
Haïku estival
雑草に 蝉を聞くらむ 正座猫
(zassô ni semi o kikuramu seiza neko) Dans les herbes folles, il semble écouter les cigales, le chat assis bien droit !
Haïku estival
蚊は耳好きか 足は何も 聞けないか
(ka wa mimi suki ka ashi wa nani mo kikenai ka) Les moustiques aiment-ils les oreilles ? Ou bien les pieds sont-ils sourds ?
Pignade
Si sèche est cette terre Que n'y prennent racine Que les pins, les fougères, Les ajoncs en épine. Au sable, des silex, Jetés pour seul chemin, Portent les circonflexes Des aiguilles de pin. Le Soleil, Soleil roi, Couronné de splendeur, Soumet de son bon droit, Sur les fronts, les sueurs. Violacées, les bruyères S'épanouissent sans bruit ; Et puis rouillent, sévères. Le coucou fait cuicui ~
Haïku automnal
車の屋根に 栗落ちる ゴンッかな
(kuruma no yane ni kuri ochiru gon' kana) Sur le toit d'une voiture tombe une châtaigne et ça fait ZBLONK.
Collisions 2
Sur le bouleau blanc, la statue de l'amiral. La joie d'être aimé au travers des volets ~ Hom' de paille dans la lande d'été, dans l'arbre, à la branche morte... Chez le marquis : le petit chaperon bleu. Retour tardif par delà le ciel d'hiver ; le merle, perplexe. La mousse comme seule goutte au nez ~ Illusion : Inari, Raoutas... Hommage à Edmond Bukre : les cloches tintent ! Il semble de plus en plus proche de ma tente... le tonnerre gronde : DRRRRRING ! Un enfant de toutes les couleurs ~ Dans les herbes folles, les moustiques aiment-ils les oreilles ? Pignade sur le toit d'une voiture : collisions !
Haïku automnal
金貰う 駐車員 案山子だいかに
(kane morau chûsha in' kakashi da ikani) L'employé du parking qui récolte l'argent est un épouvantail ! Mais pourquoi ?!
Ciel d'été
Véga ! Al Fawaris... Déneb. Eltanin et Rastaban ! Arcturus, puis Mufrid. Pulcherrima. Gemma. Delta Bootis ? Altaïr et Tarazed ! Benetnash, Mizar, Alioth... (un chêne). Yed Posterior, Yed Prior.
carte des étoiles
Haïku estival
蓮池や 棒に競泳 犬二匹
(hasuike ya bô ni kyôei inu nihiki) Entre les nénufars de l'étang, qui nagera le plus vite au bâton ? Deux chiens ~
Haïku automnal
羽根つきの やっぱり無理よ 秋の風
(hanetsuki no yappari muri yo aki no kaze) Comme on pouvait s'y attendre, faire du badminton est impossible avec ce vent d'automne !
Haïku automnal
犬羽根を 奪いけり 秋の公園
(inu hane o ubaikeri aki no kôen') Un chien a dérobé le volant ! Le parc en automne ~
Haïku automnal
羽根つき手 頭に栗を 受けにけり
(hanetsukite atama ni kuri o uke ni keri) Un des joueurs de badminton a reçu un marron sur la tête !
L'hypothèse de la simulation
Au dessus du ciel Sont les programmeurs Dont le logiciel Est notre demeure : Un simple software Invente et calcule Le grand univers, Meut ses particules. Pourquoi font-ils ça ? S'ennuient-ils autant Que tous nos tracas Sont divertissants ?
Est-ce une expérience De sociologie ? Ou de neurosciences ! Ou de biologie ? Des simulations Font-ils tant éclore Qu'ils ont de questions ? Ou bien est-ce alors Pour connaître leur Probabilité D'être eux-mêmes les Fruits de créateurs Au dessus du ciel Au dessus du ciel ? Ils n'ont pour ceci Qu'à compter les mondes Qui auront aussi Créé d'autres mondes...
Carnage
L'hip-hop- -tame Sam, L'hip-hop- -tame Bob, L'hip-hop- -tame Zénobe Gramme Galopent, Brament, Slament. Zélotes, Crame- globe, Dérobent L'âme D'un homme : Drame !
Hold-up ! Ram- -dam ! Syncopes ! Zblam ! Chocs : De snobes Femmes De bonne Fame Pâment ! * * * Fan-club : Cam- -escope, Tam- -tam ~
Haïku automnal
泡出るや 泡弾けるや 泥たまり
(awa deru ya awa hajikeru ya doro tamari) Une bulle apparaît ! Une bulle éclate ! Flaque de boue ~
Haïku automnal
鴨川や 亀道に出る 枯れ葉から
(kamogawa ya kame michi ni deru kareha kara) La Kamogawa ~ Une tortue s'aventure sur le chemin, hors des feuilles mortes.
Haïku automnal
イチョウ葉で LOVEと書きけり 守衛さん
(ichô ha de rabu to kakikeri shuei san') Avec les feuilles de ginkgo, monsieur le gardien a écrit "LOVE".
L'enfance d'Harry Glumberger

Harry Glumberger, enfant, avait le cœur pur.

Loin de moi l'idée de vouloir répandre l'escroquerie courante selon laquelle tous les enfants auraient le cœur pur ! Bien évidemment que les enfants sont corrompus par le diable, qu'ils mentent comme ils respirent, qu'ils n'ont pas conscience de la souffrance d'autrui, qu'ils sont égoïstes, manipulateurs et capricieux. D'où la nécessité de l'éducation, qui, elle seule, peut les transformer en adultes, aptes à la vie en société. Les adultes qui n'ont pas reçu cette éducation ne sont que de la marmaille hypertrophiée.

Toujours est-il qu'Harry Glumberger, enfant, avait le cœur pur. Quand il avait peur de la nuit, que la tempête battait aux carreaux, que la forêt faisait soudain « patacrac », son père, Joseph Glumberger (le milliardaire), venait le consoler, lui dire que ce « patacrac » n'était que le bruit de l'effondrement d'un arbre ou d'un régime communiste.

Haïku estival
暑すぎるから 木の下で 歩かなきゃ
(atsusugiru kara ki no shita de arukanakya) Il fait si chaud qu'il nous faut marcher sous les arbres.
Haïku libre
悪夢隣も 覚ますらむ 月なき夜
(akumu tonari mo samasuramu tsuki naki yo) Un mauvais rêve a dû également réveiller le voisin... Nuit sans lune ~
Expédition

Une dream team.

Voilà qui était indispensable à quiconque escompterait s'emparer du légendaire trésor de Kabeuth-Pot. Harry Glumberger (le milliardaire), Al Kandar et le roi Philippe financèrent donc à hauteur de cent mille milliards de mille sabords une équipe expéditionnaire éblouissante. Celle-ci se composait notamment d'Edmond Bukre, l'explorateur irlandais, promu amiral pour l'occasion, de Zénobe Gramme (l'inventeur belge, pas l'hippopotame), de Charles-Marie Coiffé, marquis de Lampetoque, de Philibert, le fidèle palefrenier du roi Philippe, de Matsuo Bashô, de madame Walmond, de monsieur l'abbé, de monsieur le préfet, du guitariste Don Miguel, d'un percepteur des impôts, et de Zénobe Gramme (l'hippopotame, pas l'inventeur belge).

La cale fut remplie de grands vins, de rôtis de poules d'eau en abondance, de toques à plumes et de cors (les bugles furent proscrits) destinés à fêter leur arrivée sur les rivages de l'atoll fantasmagorique de Gualalumpa.

Ils errèrent sur l'océan six mois durant.

Puis, le 14 juin, apparurent au loin les phares rudimentaires bâtis de bric et de broc par Matthew Flinders et George Bass en 1798.

Encore cette phrase
Il ne leur fallut que quatre jours pour atteindre la côte.
Haïku automnal
朝露や 藪の蜘蛛の巣 現れる
(asa tsuyu ya yabu no kumo no su arawareru) Rosée du matin ~ Sur les buissons, les toiles d'araignées sont rendues visibles.
Haïku automnal
初枯葉 降り積もったり 側溝に
(hatsu kareha furitsumottari sokkô ni) Les premières feuilles mortes tombent et s'accumulent dans le caniveau.
Citation hors contexte
Une plante, c'est comme ça. C'est l'armée qu'a mis ça là.
Haïku automnal
荷と君と すれ違いけり 朧月
(ni to kimi to surechigaikeri oborodzuki) Toi et tes bagages, nous nous sommes croisés sans nous voir. Lune voilée ~
Haïku libre
読み過ぎて サンドを食べず 駅の月
(yomi sugite san'do o tabezu eki no tsuki) Absorbé par un livre, j'ai oublié de manger mon sandwich. La lune sur la gare ~
Haïku automnal
風車 撫でたり秋の 暗雲を
(kazaguruma nadetari aki no an'un' o) Les éoliennes effleurent dans l'automne les sombres nuages ~
Haïku estival
去んで見る 花二輪 獅子唐もがな
(in'de miru hana nirin' shishitô mogana) Rentrant chez moi, je vois deux fleurs. Comme j'aimerais avoir un poivron !
À nouveau ?
Sur la grand-place du village jaunie par la canicule, désertée, le Christ enfant, oisif, joue au bilboquet, joue au jokari, fait du patin à roulettes.
Haïku automnal
スケートで 栗サッカーの 難しし
(sukeito de kuri sakkâ no muzukashishi) En rollers, le football-châtaigne est si difficile ~
Haïku libre
イチジクの 久しぶりけど まだ不味し
(ichijiku no hisashiburi kedo mada mazushi) Une figue ! Ça faisait longtemps... mais c'est toujours aussi mauvais ~
Le papier
市の址の四の 士の師の死の 史の詩の紙 ってどこ? 猪の野の 獅子の篠に!
(shi no shi no shi no shi no shi no shi no shi no shi no shi tte doko inoshishi no no no shishi no shino ni) Le papier du poème de l'histoire de la mort du maître des quatre guerriers de la ville en ruine ~ Où est-il ? Parmi les bambous du lion des plaines aux sangliers !
Haïku estival
公園の 木漏れ日煙し バーベキュー
(kôen' no komorebi kemushi bâbekyû) Au parc, les rayons de soleil perçant à travers les feuillages sont enfumés. Barbecues ~
Haïku automnal
舞い降りて 実を捨て壊す 鴉かな
(mai orite mi o sute kowasu karasu kana) Il descend en piqué, Et jette une noix pour la briser. Le corbeau ~
Avant la pluie
La grisaille nouvelle ~ Deux péripatéticiens philosophent. Les enfants terminent leur partie de ballon. Un retardataire n'est pas encore là. Puis vient la pluie. Tombent ses longs filaments verticaux reliant le ciel à la terre, remplissant l'espace tridimensionnel, imposant au monde d'en bas le règne du pétrichor. Sous la pluie, il n'y a plus de philosophie ; la balle en mousse prend l'eau ; un retardataire court, en ciré.
Haïku automnal
蓮の托より 霧盛るる 日差しかな
(hasu no taku yori kiri moruru hizashi kana) Au dessus des têtes de lotus, perçant le brouillard : les rayons du soleil ~
Sur le relativisme moral, qui fait quasi-consensus parmi les élites
Il pend une Morale À chaque barbe ancienne ; Chacun vante la sienne, Tous moquent les rivales. On court donc se noyer Dans le relativisme Ou dans le nihilisme, Cynique ou résigné... ...Mais sans la certitude Qu'il n'y a pas de raisons D'être activement bon ; Avec une inquiétude...
Eh bien ! c'est ce scrupule Qui, fut-il minuscule, Lorsqu'il est pondéré Par le manque à gagner, Devient considérable ! Puisse-t-il vous donner L'audace d'apporter Un monde plus vivable. Parmi les arguments, Il y a plus convaincant... Mais il est rationnel ! Et c'est exceptionnel !
Haïku automnal
朝霧や 消える人々 化けみたい
(asagiri ya kieru hitobito bake mitai) Brouillard au matin ~ Les gens disparaissent comme des fantômes.
Haïku estival
真夜中の 森を照らせず 蛍かな
(mayonaka no mori o terasezu hotaru kana) En pleine nuit, peinant à éclairer la forêt : la luciole ~
Haïku estival
一つの靴と 犬寝たり 夏の小屋
(hitotsu no kutsu to inu netari natsu no koya) Avec une unique chaussure, le chien dort. Cabane d'été ~
Haïku automnal
寺前に 鬼と僧 踊るや花火
(tera mae ni oni to sô odoru ya hanabi) Devant le temple, le prêtre danse avec les démons ! Feux d'artifices ~
Haïku estival
茶の花の 蜂唸りたり 山を摘み
(cha no hana no hachi unaritari yama o tsumi) Parmi les fleurs des théiers, les abeilles bourdonnent. Récolte en montagne ~
Haïku estival
阿里山に 上れば永い 夏絶える
(arisan' ni noboreba nagai natsu taeru) Monte à Alishan et l'éternel été s'interrompt.
La mort des tilleuls
(Eux qui fleuraient si bon cet été !) Le tapis des as de pique par dizaines, par centaines, face blanche, face jaune, sur les goudrons bleus ~ Géants confettis, ils sont la célébration de l'automne chaque année. Ils se voient subséquemment déchirés sous les godasses de la multitude indifférente, flétris par les vents, brunis dans les flaques. Et pourtant, chaque année, sans jamais désespérer, assidus, avec zèle, ils réitèrent leur célébration.
Haïku automnal
寒空を 戦げよ樺の 黄色の葉
(samuzora o soyoge yo kaba no kiiro no ha) Dans le ciel froid, bruissez ! Feuilles jaunes sur les bouleaux ~
Haïku automnal
露台にも 鉢にも翼果 散りにけり
(rodai ni mo hachi ni mo yokuka chiri ni keri) Jusque sur le balcon, jusque dans les pots, les samares éparpillées ~
Haïku libre
猪の群 渡りけり 望の月
(inoshishi no mure watarikeri mochi no tsuki) Après le passage d'une harde de sangliers : la pleine lune ~
Les hommes d'affaires
Les hommes d'affaires pressent le pas, bien cramponnés à leur malette pour ne pas tomber du haut de leur inexistence. Ils ne regardent pas les écureuils, alors les écureuils n'existent pas non plus.
La tradition
Tradition, tradition ! La machine ditherme Dont les lois, dont les termes Sont ceux de la pression, Unit ceux qui l'enseignent (Par ci de la chaleur, Par là de la froideur), Exclut ceux qui l'enfreignent. Encore irréversible, Sans doute adiabatique, Sa grande mécanique Au repos impossible ! Et toujours arbitraire. Tradition, tradition ! De fer est la prison De bien des congénères.
L'hétérodoxe occis, L'hétérodoxe igné Par tous ces indignés Pour hétérodoxie Aussitôt descendu Le dernier séditieux Du brasier judicieux, La liesse s'atténue... C'est pour y remédier Que la promulgation D'une autre tradition Est aussitôt actée ! On voit donc arriver D'autres rétives vies Sur le bûcher ravi, Le bûcher ravivé !
Ces personnes fautives Feront du charbon pour Alimenter le four De nos locomotives. Tchokelikelok tchouk, Tchokelikelok tchouk.
Haïku automnal
肌寒や 枯葉の渦を ガキ跳びぬ
(hadasamu ya kareha no uzu o gaki tobinu) Automne glacial ~ Dans les tourbillons de feuilles mortes, plus aucun gamin pour trépigner.
Haïku hivernal
雪上に 手袋を 置き忘れけり
(setsujô ni tebukuro o okiwasurekeri) Sur la neige, un gant oublié ~
Haïku libre
夜に人と 獣互いに 恐れけり
(yo ni hito to kemono tagai ni osorekeri) La nuit, l'homme et la bête s'effraient l'un l'autre !
Haïku hivernal
車の霜や ビルの峰 朝日向
(kuruma no shimo ya biru no mine asahinata) Givre sur les voitures ~ Le sommet des immeubles est baigné d'aurore.
Haïku hivernal
枯枝の 宿木や つぐみ聞こえず
(kare eda no yadorigi ya tsugumi kikoezu) Parmi les branches mortes : le gui ~ On n'entend pas les grives.
Haïku hivernal
冬の川 溢れて映る 朧月
(fuyu no kawa afurete utsuru oborodzuki) La rivière d'hiver en crue reflète la lune voilée.
Daruma
Daruma, Daruma, Génie d'outre-atmosphères, Un beau jour culbuta Jusqu'à nos étagères ! Daruma, Daruma, Entends notre prière ! Quand tu l'exauceras, Nous peindrons tes paupières.
Haïku hivernal
枯れ森の 松を鳴らせよ けらつつき
(kare mori no matsu o narase yo keratsutsuki) De la forêt morte fais sonner le pin, pivert !
Le vrai héros
Comme un Breton sur son rocher, Debout et fier dans son ciré, Face à la mer lorsque se brise Sur son menton la vague grise, Certain (si rare) aura l'audace De recevoir en pleine face, De constater, de supporter De ce monde l'absurdité, De ce monde l'affreuse absence De dieu, de but, de Bien, de sens, Sans pour autant blâmer ses pairs Qui n'ont pas eu son caractère. Comme un Breton sur son rocher, Par l'eau de mer la peau séchée, Et le visage recouvert De sel, de l'âge et de bernacles ~
Ultime croissant
Dans les dernières bleuités de l'hiver, le croissant blanchâtre, oblique, tel un ongle de gros orteil omis sur un sol de salle de bain ~
Haïku du nouvel an
暦売り 来てお金 持ち合わせぬよ
(koyomi uri kite okane mochiawasenu yo) Le vendeur de calendriers est arrivé ! Je n'ai pas d'argent sur moi...
Haïku du nouvel an
春節の リュウガンの種 植えれるか
(shun'setsu no ryûgan' no tane uereru ka) Longanes du nouvel an ~ Peut-on planter leur noyau ?
Haïku libre
夕靄や 望月の暈 通りより
(yuu moya ya mochidzuki no kasa toori yori) Nuit brumeuse : le halo de la pleine lune sur la rue ~
Haïku hivernal
枯れ蓮の 托どこもあり 餓鬼遊び
(karehasu no taku dokomo ari gaki asobi) Partout, il y a des têtes de lotus morts ! Jeux de gamins ~
Sa majesté
Réincarné en bulbe (Son dernier voeu après Que les Français inculpent Et coupent sa te-tê), Louis XVI rencontra Les haricomycètes Auxquels il proposa D'être roi des pâqu'rettes.
La dernière maxime d'Emmanuel Kant
Merde aux huîtres !
POSTFACE
Des avantages de la postface sur la préface

Pour ne pas gâcher la première lecture (unique et sacrée), la préface se doit de ne pas faire de révélation inopportune sur le contenu du livre. Une bonne préface doit donc parler de tout sauf du livre. Sa rédaction est un exercice difficile.

La postface, elle, peut traiter du livre.

Finalité

Chaque texte de ce livre a pour but de transmettre une ambiance, une émotion, un décor ; d'amuser ou d'intriguer.

La lecture provoque un état similaire à l'hypnose (si tant est qu'une telle chose existe), un état d'acceptation et de sérénité dans lequel l'esprit suit docilement le texte pour créer des images et des ambiances. Cet état, indépendamment du contenu lu, est agréable.

Beauté du premier ordre,
selon Euristophon d'Alexandrie

« On a tendance à percevoir la beauté comme le haut d'une échelle et la laideur comme le bas de cette même échelle. Il n'en est rien : la beauté est au centre de l'échelle, et la laideur est aux extrémités. Cette échelle n'est évidemment pas unidimensionnelle, mais multidimensionnelle. La beauté est la moyenne de toutes les choses rencontrées ; elle est dénuée des rugosités particulières, qui surviennent fortuitement. En concordance avec le modèle mental de la réalité (constitué par moyennage et induction), la beauté rassure et apaise, là où les rugosités provoquent un sentiment de micro-panique, dû à la distance inattendue entre l'observation et le modèle. Le but de cette agitation de l'esprit est de chercher à com-prendre, c'est-à-dire produire un raisonnement qui ramènera l'élément inhabituel auprès du modèle. »

Beauté du second ordre,
selon Protaxagore de Cyrène

« Cependant, une superposition parfaite avec la moyenne (qu'on pourrait qualifier de beauté absolue) peut provoquer un certain ennui en raison de l'absence de ces micro-paniques régulatrices. On peut prendre beaucoup de plaisir à rencontrer l'inhabituel (l'extra-ordinaire). Mais attention, ce plaisir ne provient pas de la micro-panique en elle-même : il survient lors de la résolution de la rugosité. Une grande satisfaction vient en effet lorsque la raison triomphe de l'incompréhension. Il y a donc une beauté d'un degré second, qui se dégage du contact avec l'étrange. »

Beauté du troisième ordre,
selon Calyptomène de Syracuse

« Vous n'y êtes pas du tout.

Les canons ne sont pas médiocres. Le corps aux proportions idéales sera plus grand que la taille moyenne des hommes. L'esprit parfait sera au dessus de l'esprit du commun. La beauté ne saurait résulter d'une mathématique aussi simple, encline à leurrer les esthètes. La beauté est le résultat provisoire de la délibération confuse entre une multitude d'organes arbitraires, dont vos deux règles font probablement partie. Votre plus grand tort a été de présupposer que les lois qui régissent la beauté sont elles-mêmes belles. Or rien ne l'impose. »

Formats

Les associations entre les formes employées et formats appliqués sont les suivantes : le poème en vers (métriques et rimés) est centré, le haïku (aux trois vers de cinq, sept et cinq mores respectivement) est centré, le récit court est justifié et sans retours à la ligne au sein de ses paragraphes, le poème en prose est fragmenté par des retours à la ligne pour imposer le rythme de lecture.

De l'importance du rythme

Même si la prose n'est pas métrique, une grande attention doit être accordée à son rythme ; elle doit sonner bien.

Comme nous sommes habitués aux rythmes binaires, majoritaires en musique, le vers imparisyllabique invite à une pause finale d'un temps avant la lecture du vers suivant. Ainsi, le mètre parisyllabique est utile pour représenter un flot continu et inexorable, tandis que le mètre imparisyllabique, aux nombeuses pauses, sera une opportunité de contemplation. On notera que le haïku est foncièrement imparisyllabique.

De la préemption du son

La rime visuelle disparaît au profit de la rime sonore. Dans le même esprit, l'alternance entre les rimes masculines et féminines cède aisément sa place à une alternance entre les rimes au son consonne et les rimes au son voyelle. « Tiroir » et « fenêtre » se terminent par des sons consonnes ; « oubli » et « moment » se terminent par des sons voyelles.

Mètre multiple

Comme dans Les gnous de bois, les mètres peuvent s'alterner, à l'image des rimes. L'emploi de plusieurs mètres dans le même poème est ici permis et apprécié.

Strophe thématique

Comme dans Taraxacum ou J'ai marché avec la Lune, les vers peuvent être regroupés par mouvements narratifs, et non plus selon les rimes.

Strophe métrique

Dans des poèmes multimètres, comme Au matin ou Les haricomycètes, le regroupement des vers peut être basé sur le mètre local, par soucis de propreté.

Disposition des rimes et caractère

La disposition des rimes a un caractère intrinsèque. Il faut le considérer lors de l'écriture, car il a une influence sur le sens. La disposition ABBA a un ton très conclusif, affirmatif, comme une cadence parfaite en musique. La disposition AABB a un ton calme, renvoyant à une certaine fixité. À l'opposé, la disposition ABAB est motrice, tumultueuse. Il est préférable que la disposition des rimes (contenant) soit en accord avec le sens local (contenu).

Des limites de la torsion formaliste

Il est impoli de retourner une phrase sous la contrainte formelle (besoin de rime etc.) à tel point qu'elle perde son caractère naturel. Ainsi, on ne peut pas transformer "Je vais absoudre les bœufs.", phrase naturelle, en "Les bœufs, absoudre je vais.", phrase visiblement tordue par un poète tant assujetti aux règles qu'il en oublie son devoir d'esthète. L'artifice constructeur ne doit pas transparaître aussi grossièrement dans le résultat.

Et pourtant, parfois, la poésie naît d'une telle trahison.

Origine de la littérature

Et si la littérature n'était que la rencontre entre les scriptomanes et les légomanes ? Que le sujet, le style, n'étaient que des prétextes ?

Pourquoi interdire une telle rencontre ?

Dire des haïkus 1

Dans un monde obsédé par les symboles, le recueil de haïkus offre à l'âme le repos sémiologique.

Dire des haïkus 2

Dire des haïkus pour dire le monde. Le monde qui est sans qu'on n'ait besoin de le dire. Et pourtant le monde est dit. Et il est des gens pour dire le monde.

C'est une preuve, sinon un indice, que le monde a besoin d'être dit pour autant être. En effet, on ne dit jamais les évidences. Elles n'ont pas besoin d'être dites.

Apaisement

C'est sûr : tout ne plaira pas à tout le monde ! Toute écriture est clivante. La première lettre posée sur la papier sépare déjà le monde en deux catégories : les admirateurs et les calomniateurs. Seul celui qui n'écrit rien ne se met personne à dos ! Et encore...

Si ne serait-ce qu'une seule de ces images que je distribue transporte quelqu'un, j'aurai réussi mon humble pari.

Mensonge éhonté

Les haricomycètes, mentionnés dans le poème éponyme, vivent dans les touffes de trèfles. On les trouve à la campagne seulement. L'urbanisation a causé leur raréfaction.

TABLE DES MATIÈRES

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