NULLE PART,
LA NUIT
Écrits extravagants à l'attention des esthètes véritables
Par Roi of the Suisse
Haïku du nouvel an
前の本
終えて始まる
初日記
(mae no hon'
oete hajimaru
hatsu nikki)
Le livre précédent
étant achevé, je commence
un nouveau journal.
Haïku printanier
前年の
トマト熟れけり
二月の日
(zen'nen' no
tomato urekeri
nigatsu no hi)
De l'année dernière
les tomates ont mûri !
Soleil de février ~
Faire au mieux
À tout moment, faire au mieux.
Et ne plus rien regretter.
À la poubelle jeter
L'« on aurait dû » insomnieux.
Si, plus tard, on trouve mieux,
C'est vain de se lamenter :
L'information limitée
Rendait le choix périlleux.
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春雨や
花壇を植える
庭師たち
(harusame ya
kadan' o ueru
niwashi tachi)
Pluie de printemps ~
Repiquant les parterres :
une équipe de jardiniers.
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青空や
りんごの花に
スズメ寝ぬ
(aozora ya
ringo no hana ni
suzume nenu)
Ciel bleu !
À la floraison des pommiers,
les moineaux ont cessé de dormir.
Haïku printanier
花びらを
散らせる春の
雹いかに
(hanabira o
chiraseru haru no
hyô ikani)
Les pétales,
dispersés par la grêle
du printemps. Pourquoi ?!
Haïku printanier
どこでもの
暮の道べに
菜咲きけり
(dokodemo no
kure no michibe ni
na sakikeri)
Partout,
sur les bords de chemins crépusculaires,
le colza a fleuri.
Robert à la table à picnic
Robert à la table à picnic
voit le druide passer.
L'habit, la barbe du mage
sont extraordinaires.
Il n'a jamais vu ça
à la compta !
Et Robert de pouffer !
Il rit pour rappeler à la norme,
car rire c'est interdire,
car rire c'est condamner.
Et le mage de regarder Robert
et de rire à son tour !
C'est un duel.
« Bah ! pourquoi il rigole,
celui-là ? » glousse Robert.
Mais il n'est plus si sûr de lui ;
il cherche du regard
l'approbation de ses collègues
de la compta.
Et le lierre de croître
à la jambe de Robert,
les étoiles d'émeraude
d'étreindre son mollet.
Robert se lève et crie.
Toute la compta
se carapate !
Madame Walmond se réveille
de cet horrible songe.
Ça m'est déjà arrivé de rêver que j'étais un chien.
Madame Walmond, elle,
a rêvé qu'elle était Robert de la compta.
Civilisations
Quand Platon a ôté
Le gros bouchon de liège
(Celui qui fait flotter
L'atlante sacrilège),
Un geyser est sorti ;
L'île fut engloutie.
Quand Néron a chanté
Les hymnes interdits
(Ceux qu'on dit exalter
Le turpide incendie),
Un feu s'est allumé ;
Rome fut consumée.
Quand Cortez, à poney,
Ses miasmes microbiens
A fort postillonnés
Sur les Précolombiens
Alors envenimés,
Chalco fut décimée.
La morale c'est que
Blirk blork blurk
Zanagabadana.
Haïku hivernal
雪暮や
狂王の夢
蘇る
(yukigure ya
kyô ô no yume
yomigaeru)
Crépuscule sur les neiges ~
Le rêve du roi fou
revient à la vie.
Étang
Sur une ombelle d'ombellules
Atterrit une libellule.
La plante ploie et frôle l'onde
Alors courue de formes rondes.
Ce bruit sans bruit tire hors du rêve
Un lutin dormant sur la grève.
Le haricomycète enfin
De sa mission tard se souvient !
Trêve de trêves ! Affairé,
Il disparaît dans les fourrés.
Haïku printanier
春嵐
巣を壊しけり
鳩戻る
(haru arashi
su o kowashikeri
hato modoru)
La tempête de printemps
avait détruit le nid
au retour du pigeon.
Science-fiction insipide
Trois mange-soleils rutilants agrémentaient, non sans fierté,
la flotte stellaire de Zoltrax le Pernicieux,
en route pour sa conquête des galaxies jumelles
dites du grand Zbrontz et du petit Zbrontz.
Dans tout l'univers, seul l'empereur Giltarian MXXIII
pouvait se targuer d'en posséder davantage, à savoir 5.
Il se trouva fortuitement qu'à ce moment-là,
Giltarian MXXIII était en vacances (avec toute son armée)
dans la galaxie du petit Zbrontz,
à siroter de moelleux cocktails de goyobe
sur les plages sulfuriques de Marmut 7.
L'affrontement s'annonçait cataclysmique.
Dieu est mort
Dieu est mort !
Dieu est mort !
On l'a su dans les journaux.
Les prêcheurs
(Quémandeurs
D'auditeurs),
Pleurnicheurs,
Amoncellent
À sa stèle
Des fleurs, des choux colossaux.
Tous ces sages
Au grand âge,
Tous ces mages
Au chômage !
Que va être
Chaque prêtre ?
Que seront les cardinaux ?
Les lectrins
Ont besoin
De chien-chiens
Paroissiens.
Ô courroux
Des gourous !
Ils vont devenir dingos.
Les croyants,
Dépendants,
Errent sans
Boniments.
Et ces ouailles,
Qui défaillent,
Fleurissent donc le tombeau.
Liturgie
Rassasie
Cette envie
De magie,
De savoir
Illusoire,
De bobards paranormaux.
Et on prie.
Mais pour qui ?
(Puisque Lui
Est fini)
Les suppliques,
Les cantiques,
Sont jetés aux caniveaux.
Dieu est mort !
Dieu est mort !
On l'a su dans les journaux.
Haïku printanier
石畳
窪んで濡らす
靴下を
(ishidatami
kubon'de nurasu
kutsushita o)
Le pavé
s'enfonce et trempe
mes chaussettes !
La diffusion de Rayleigh
On a croisé Rayleigh,
Dévalant la colline.
On l'entendait râler
Sous les nues zinzolines.
Le voir est rareté
Même si l'on s'efforce :
L'homme à l'ubiquité
S'adonne au paradoxe.
Ce mage de renom
Du tournoi de Walburge
Fut trente fois champion
Par son art thaumaturge.
L'esthète obsessionnel,
Expérimentateur,
A bariolé le ciel
De nouvelles couleurs.
Il a dit : « J'éclabousse
Les nuages cotons
Du brillant pamplemousse
D'un métal en fusion.
Mais c'est bien trop lambda !
Je vise au flamboiement
De cent jacarandas
Une fin de printemps. »
Ô gloire ! ô datte ! ô carpettes !
La cité labyrinthique
De Jérimadeth, antique,
Où vrombit la mobylette
D'Utanapishtim, son roi ;
Où les scribes de clous criblent
L'argile inspirant les bibles
Des légendes d'autrefois
Susurrées dans les palmiers
Par les trombes du désert,
Amies des géants de pierre
(Témoins des âges premiers) ;
Ainsi, Jérimadeth, dis-je,
S'effaça sous trois mille ans
De tempêtes, puis cinq ans
De bêtise et fut vestiges.
Trois notes de oud
tombent sur le sable
Rencontre de marque
Au détour d'une ruelle :
Un illustre évêque orné
Tout de mitre et de dentelle !
Que faire ?! Se prosterner :
« Votre grandeur ! » ... ah mais non :
Brandie par deux maigres scouts,
Sa sainteté de carton,
Toute plate, ôte le doute.
Haïku libre
窯元の
看板暮れに
抜かれけり
(kamamoto no
kan'ban' kure ni
nukarekeri)
La pancarte de la poterie
au soir
avait été retirée.
Frivolité
Oh ! quel beau nain de jardin !
D'habitude, ils sont de mauvais goût,
disgracieux, ricaneurs, laids, kitschs.
Mais celui-ci est vraiment très beau.
Simple. Sans fioritures superfétatoires.
Je le soulève et vois l'étiquette :
il coûte plus de 60 pounds !
Ça doit être un nain artisanal...
S'il avait coûté moins de 10 pounds,
je l'aurais pris.
Moins de 20 pounds même !
Je m'en vais.
Je fais un tour dans ce magasin qui ne m'intéresse pas.
Plus tard, je reviens.
C'est vraiment un beau nain de jardin.
Je le soulève à nouveau :
miracle !
il coûte en fait 6,99 pounds !
C'est vraiment un bel objet
pour un truc fait à Taïwan.
Il y a une fente sur le bonnet.
C'est une tirelire.
Quel malheur !
La pluie va rentrer dedans !
Et la moisissure !
Et les escargots !
Derrière l'étiquette du prix,
il y a une ventouse pour retirer l'argent.
C'est vraiment dommage.
C'était le nain de jardin idéal.
Les êtres cosmiques
des strates supérieures de la réalité
se moquent bien de moi !
J'aime à croire qu'ils existent,
mais je suis tout seul
avec dans les mains
mon nain de jardin
qui n'en est pas un
et que je n'achèterai pas.
La nana de sodium 2
Elle est parfois rude
À l'homme troublé
Au cœur accablé
Par la solitude :
Quand se meurt la nuit,
La femme fantôme,
Luisant monochrome,
Point et le séduit ;
Puis se décompose
En volutes roses,
À peine effleurée.
Sur le goudron chaud,
Celui-ci, leurré,
Éclate en sanglots.
Outrage 1
« La Lune, grosse et jaunâtre,
dissonant avec les épaisses ténèbres,
épie les honnêtes citoyens
de son unique œil globuleux.
Ô cyclope indiscret,
que cherches-tu ce soir ?
Ogre, prends garde,
toi qui entrouvres le ciel nocturne
pour zieuter ainsi le monde des hommes,
car le chevalier Bazul,
s’il l’apprend,
fou de rage,
t’éborgnera de sa lance longine,
et ton œil alors flétrira, flatulent,
tel une baudruche insensée ! vociféra Jojo à la Lune depuis le balcon.
– Arrête de crier des méchancetés à la Lune, Jojo !
le réprimanda le mage en lui donnant un coup de journal sur la tête.
Et laisse le chevalier Bazul en dehors de ça !
– Pardon ! » s’excusa Jojo en se frottant la tête.
Outrage 2
Quand le chevalier Bazul ôta son heaume, Jojo fut fort surpris :
« Vous êtes une femme !
Le chevalier Bazul est une femme ! »
La combattante aux mille prouesses le dévisagea avec indifférence.
« Ô femme au grand front
et au cheveu fin,
vous êtes belle et vous le serez toujours !
Mais les hommes que vous enfanterez
seront calvitiques ! vociféra Jojo à la noble lancière.
– Arrête de crier des méchancetés au chevalier Bazul, Jojo ! » le réprimanda le mage en lui donnant un coup de journal sur la tête.
– Pardon ! » s’excusa Jojo en se frottant la tête.
Débarquement
Les cornistes, exténués mais heureux, se jetèrent à plat ventre sur la plage.
Le capitaine, digne et droit, tâta de sa canne le sable fin pour s’assurer que ce n’était pas un mirage.
Il remarqua alors un chevalier qui faisait cuire un crabe sur un feu de bois.
Il tâta de sa canne l’armure du chevalier pour s’assurer que ce n’était pas un mirage.
« Que venez-vous faire sur cette île ? lui demanda le chevalier.
– Nous sommes à la recherche du légendaire trésor de Kabeuth-Pot ! se targua le capitaine.
Que peut bien faire un chevalier sur cette île perdue ? s’inquiéta-t-il. Vous ne convoiteriez pas le trésor, vous aussi ? »
Le chevalier esquissa un sourire. Son heaume à demi relevé laissait voir le bas de son visage.
« Il y a sur cette île quelque chose de beaucoup plus précieux que des pièces d’or.
– Et que serait-ce donc que cela ? douta le capitaine.
– La vérité », déclara le chevalier en retournant son crabe dans les braises.
Haïku automnal
二時間の
雨中渋滞
工事より
(ni ji kan' no
uchû jûtai
kôji yori)
Deux heures
d'embouteillages sous la pluie
à cause des travaux ~
Haïku automnal
球根に
水を上げよう
きのこにも
(kyûkon' ni
mizu o ageyô
kinoko ni mo)
Arrosons les bulbes.
Et les champignons !
Haïku hivernal
鴨泳ぐ
寒き沼より
霞かな
(kamo oyogu
samuki numa yori
kasumi kana)
Un canard nage.
Au dessus de l'étang froid :
la brume ~
Hiver
Le Soleil, insonore,
Nous parle comme il parle
Aux pays du Grand Nord :
Tout bas, lointain et pâle.
Cet astre dépourvu
De feu nous remémore
L'ami qu'on perd de vue
Mais qu'on espère encore.
Haïku hivernal
寒林や
宝を探す
子供たち
(kan'rin' ya
takara o sagasu
kodomotachi)
Dans le bois gelé,
une troupe d'enfants
cherche un trésor.
Premier gel
Des feuilles mortes
De toutes sortes
Jonchent le sol.
Els étaient molles
Encore hier.
Le vent d'hiver
Les a blanchies,
Les a durcies.
Dorénavant
Sucre croquant,
Voilà qu'els ornent
Le gâteau morne
Du froid quartier,
Flan pâtissier
De goudron sale
Où l'on cavale.
Dimensions
Inquiétés du trépas
Imminent, on alla
Questionner calmement
Le scientifique allemand
(De la bombe atomique)
Afin qu'il nous explique :
« Chaque vie est autant
Limitée dans le temps
Qu'elle l'est dans l'espace.
Pleurer qu'elle est fugace
Est com' pleurer la peau,
Qui est le vase clos
Sans quoi notre présence
S'étendrait en tous sens
Vers l'infini lointain
Des astres indistincts. »
Rassurés, on partit
cueillir des pissenlits.
Haïku automnal
集まるや
落ちたりんごを
食うスズメ
(atsumaru ya
ochita rin'go o
kuu suzume)
Ils se rassemblent !
Les moineaux mordant
les pommes tombées ~
Marie les p’tites madeleines
Alors qu’ils étaient treize,
Jésus, ce mec balèze,
Avec un pain d’épeautre
Nourrit les doux apôtres,
Qui a leur faim mangèrent.
« Car, de la boulangère
Marie (pleine de grâce !),
Les mains, pleines d’œufs, grasses,
Ongles pleins de mie, raclent,
Font de jolis miracles
Quand le pétrin pétrissent »,
Fit remarquer Petrus.
« Ses croissants, ses brioches
Sont les meilleurs d’Antioche ! »
Arrestation musclée
Soudain quelqu’un défonce
La porte à cheval ! Ponce
Pilate arrive en scène
Un peu après la cène
Et ce gros naze arrête
Jésus de Nazareth.
« Vilain gourou de secte !
Maudits soient ces insectes ! »
Ces motifs il décline
Puis sa lance longine
Transperce Dieu fait homme.
En tombant, Dieu fait « pom ».
En croupe de jument,
Celui qui toujours ment :
En croupe du dada
Sied le traître Juda !
Jésus bon crut s’y fier,
Il sera crucifié.
Haïku hivernal
ばばとじじ
もぐよ役場の
黄水仙
(baba to jiji
mogu yo yakuba no
kizuisen')
Un pépé et une mémé
cueillent de la mairie
les jonquilles.
La mangue
Mangue, ô mangue,
Roi des fruits !
Boomerang
Qui bénit,
Qui exsangue
L'infamie !
Quant ta gangue
(Sucrerie)
D'un vil gang
De bandits
Sur la langue
Atterrit,
Un bigbang
Se produit,
Yin et yang
Sont unis :
Leur cœur tangue,
Attendri,
Leur harangue
Se tarit.
Mangue, ô mangue,
Roi des fruits !
Haïku printanier
蜘蛛の巣に
タンポポの種
取られけり
(kumo no su ni
tan'popo no tane
torarekeri)
Dans la toile d'araignée,
des aigrettes de pissenlit
ont été attrapées.
Haïku estival
ひまわりの
丘乾きけり
旅の歌
(himawari no
oka kawakikeri
tabi no uta)
La colline aux tournesols
s’est desséchée.
Chanson de voyage ~
Haïku estival
スポンジに
種刺さりけり
朝の庭
(suponji ni
tane sasarikeri
asa no niwa)
Dans l’éponge,
une graine s’est logée.
Jardin au matin ~
Gilets jaunes
Au citoyen
Trop audacieux
Qui manifeste
En exigeant
Que la justice
Vienne aux modestes /
Aux indigents,
Que la police
Coupe une main /
Crève les yeux !
Haïku automnal
パレットを
ガキ叩きたり
秋の雨
(paretto o
gaki tatakitari
aki no ame)
Des gosses
tabassent une palette.
Pluie d’automne ~
Haïku automnal
秋来ぬや
トマト無き年
バルコニー
(aki kinu ya
tomato naki toshi
barukonii)
L'automne est arrivé !
Année sans tomate
sur le balcon ~
Haïku libre
上向けば
桃色雲や
糞を踏む
(uemukeba
momoiro kumo ya
kuso o fumu)
En regardant en l'air :
oh ! les nuages roses !
Je marche sur une crotte.
Météore
Dans le noir,
Mes deux phares
Gobent rond
Le goudron.
Dans la nuit,
Je n’écoute
Que ce bruit
D’autoroute.
Pas un mot.
Que des champs.
Par moment :
Un hameau.
Mais les cieux
S’éclaircissent !
Comme un feu
D’artifice,
L’étincelle
Lentement
Fend le ciel
Somnolent...
Puis clignote !
Puis s’embrase !
Ô extase
Dans l’azote !
Cet étrange
Météore
Se colore :
Rouge, orange,
Jaune, vert,
Bleu, violet ;
Feu follet
D’univers.
Il revêt
Sa toison
D’horizon,
Disparaît.
La clarté
S’évanouit,
Emportée
Par la nuit.
A-t-il chu
Jusqu’à terre ?
A-t-il eu
Son cratère ?
Quelqu’un d’autre
L’a-t-il vu ?
L’imprévu
Serait nôtre...
Ironie
« La vérité ? Une telle chose n'existe pas ! Chacun a la sienne et puis c'est tout, s'esclaffa le capitaine au nez du chevalier Bazul.
– Vous ne croyez pas à la vérité, mais au trésor de Kabeuth-Pot ? »
Haïku hivernal
雪だるま
どこでもあるや
昼散歩
(yukidaruma
dokodemo aru ya
hiru san'po)
Des bonhommes de neige
partout !
Promenade du midi ~
Haïku hivernal
雪玉を
投げる子供や
昼散歩
(yukidama o
nageru kodomo ya
hiru san'po)
Des enfants se lancent
des boules de neige.
Promenade du midi ~
Haïku hivernal
泥雪に
枝のぽろぽろ
日和かな
(doroyuki ni
eda no poroporo
hiyori kana)
Dans la neige boueuse,
le plic-ploc des branches ~
Beau temps !
Éloge du faux
Réalité comme fiction
Sont toutes deux faites pensées,
Sont toutes deux expériencées
Et c’est une bénédiction !
Celui qui lit, celui qui rêve,
Celui qui voit sur un écran
(Plutôt qu’attendre en espérant)
Vit d’autres vies que sa vie brève.
Du mythomane au complotiste,
Nourrissez-vous des anecdotes
De vos amis et d’Hérodote.
Dans l’infini suivez l’artiste !
Sauf quand il vous faut faire un choix,
(Elle est alors nécessité)
Abandonnez la vérité.
Vivez mil vies, vivez mil fois !
Hommage à Maurice de Vlaminck
Que trente-cinq
Ornithorynques
féroces vainquent
Francis Poulenc
Et après trinquent
Leur verre en zinc !
Mon puzzle aux cent pièces
Mon puzzle aux cent pièces
S'amaigrit d'une pièce.
Le trou terrible laisse
Quatre-vingt-dix-neuf pièces.
Le puzzle représente
Une cour de récré
Où l'on joue, où l'on crée
Des histoires marrantes,
Où l'on court, où l'on crie,
Où l'on fait des querelles,
Du ballon, des marelles,
Et puis des conneries !
Mon ami de primaire
Si cher est décédé
Car un homme a cédé
À ses besoins primaires
De boire et de tuer.
La récré est en deuil.
La récré est en rogne
Contre un chauffard ivrogne
Qui nous laisse un cercueil,
Qui, distrait, a troué
Mon puzzle aux cent pièces,
Celui de mon enfance,
Auquel soudain repensent
Quatre-vingt-dix-neuf pièces.
Haïku estival
夏山や
葉書さんまい
石の下
(natsuyama ya
hagaki san'mai
ishi no shita)
La montagne en été !
Trois cartes postales
sous une pierre.
Haïku estival
夏山で
文を書きたり
馬の屁や
(natsuyama de
fumi o kakitari
uma no he ya)
Dans la montagne d'été,
en écrivant une lettre :
le pet d'un cheval !
Haïku estival
流れども
動からず
遠滝五本
(nagaredomo
ugokarazu
tootaki gohon')
Bien que s'écoulant,
elles sont immobiles.
Cinq cascades au loin ~
Éloge des gros
Gens des îlots des océans
(Filles et fils d’humbles pêcheurs),
L’Ouest vous emplit de hamburgers,
Vous accablant d’un gros séant !
Votre optimal métabolisme
(Fruit de siècles de dénuement)
Conserve tous les nutriments
Dont a besoin à votre organisme.
Le maigre est une ignominie
Quand il se goinfre sans stockage.
Quelle ineptie ! Quel gaspillage !
Encensons la parcimonie !
Tous les gros sont des économes !
Héros pansus, vos corps avares
Honorent les ressources rares,
Portent la perte au minimum.
Gens des îlots des océans,
Gens du désert (à vos loukoums,
Votre balance explose ; BOUM !)...
Vous êtes les vrais bienséants.
En Bretagne
Hélas, rôtisserie
Du lac de Guerlédan,
Je n’ai guère les dents
Pour mordre ton rôti :
J’ai perdu mon dentier.
Pour trouver mon sourire,
Je devrai parcourir
(Pour sûr !) le monde entier.
J'ai dit adieu à mes amis
Le coeur meurtri,
La larme aux yeux,
J'ai dit adieu
À mes amis.
Je dois partir.
De ces années
Je chérirai
Le souvenir.
C'est maintenant
(Je l'ai tant craint !)
Que nos chemins
Sont différents.
Adieu maison
Dans la prairie !
Adieu les nuits
De discussion
À concevoir
Un monde (ou cent !)
Réunissant
Nos rêves phares.
Et je m'enfuis
Par la campagne.
Et je regagne,
Seul, mon logis.
Le vent d'été
Dans les collines
Souffle, câline
Les attristés.
Le coeur meurtri,
La larme aux yeux,
J'ai dit adieu
À mes amis.